Les révélations d’Edward Snowden n’ont pas seulement encouragé les géants du web à muscler leur politique de chiffrement, elles ont également servi d’arguments à nombre de pays pour se détacher de l’emprise américaine (dont la France, Allemagne, la Chine et le Brésil notamment). Parmi ces pays, la Russie s’est distinguée en votant une loi prévoyant de stocker l’ensemble des données des citoyens russes en Russie à partir de 2016, mais également en annonçant vouloir développer son propre OS. Cela, afin d’éloigner ses chers concitoyens des grandes oreilles américaines, mais aussi d’investir un marché où les produits russes sont relativement absents.
À la lumière des révélations fournies par le site russe hi-tech.mail.ru, ces informations sont perçues sont un jour nouveau. En cause le Yotaphone, ce smartphone fabriqué par la firme russe Rostech Corporation et pourvu d’un écran E-Ink à l’arrière.
Le smartphone serait – intentionnellement – doté de backdoords permettant au FSB, les services secrets russes, contemporains du KGB, d’accéder aux données des utilisateurs et donc de les espionner en toute quiétude.
Ce n’est pas un lanceur d’alerte qui l’affirme, mais le big boss du groupe derrière le Yotaphone, Sergey Chemezov. Il s’en justifie d’ailleurs sans complexe par des contraintes légales :
« Le FSB aura accès [aux données des utilisateurs]. Nous n’avons pas le droit de vendre des téléphones sur le marché autrement. »
Avançant l’argument ultime : « Sinon ces appareils pourraient être utilisés par des terroristes, des criminels. »
En effet, pour le CEO de Rostech, Apple est « le choix des terroristes ». Procéder autrement, en chiffrant les données des utilisateurs, serait « irresponsable » et reviendrait, à l’image d’Apple, à fabriquer un smartphone de premier choix pour les terroristes.
Un argument repris par la NSA, le GCHQ ou encore le FBI, qui tentent de stopper la course au chiffrement des géants du Net et réclament l’instauration de portes dérobées légales sur iOS et Android. Revendication que n’aura pas à réclamer le FSB alors que récemment, face à la pression exercée sur la Maison Blanche, 140 entreprises américaines et association de défense des libertés ont exhorté le président Barack Obama à renoncer aux backdoors.
Néanmoins, Yotaphone a tenu à préciser que le FSB (dont Vladimir Poutine est devenu le chef en 1998 avant de prendre la tête de Conseil national de sécurité l’année d’après), de la même manière que les services secrets américains, est soumis à des contraintes légales et ne pourrait accéder aux données personnelles des utilisateurs, stockées aussi bien sur le Yotaphone que sur les appareils d’Apple, Samsung & co et/ou hébergées par les opérateurs mobiles et FAI, que sur décision de justice.
Des déclarations qui ont le mérite de la franchise, plus que celui de surprendre. Cependant, prévoir d’implanter directement des backdoors en prévoyant que les services secrets en auront besoin est le signe d’une dévotion sans faille à l’égard de son pays, si ce n’est de ses compatriotes… Mais pose surtout des questions évidentes de sécurité en implantant des failles qui pourront être exploitées par plus mal intentionné.
Néanmoins, Phone Arena, qui a repris les informations de hi-tech.mail.ru, précise que Yotaphone affirme désormais qu’il n’y a aucune porte dérobée sur les Yotaphones et accuse les médias russes d’avoir mal interprété les propos de Sergey Chemezov.
La sortie prochaine de la troisième édition du Yotaphone en février 2016 n’est peut-être pas étrangère à ce revirement de situation.
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Ils vont avoir du mal à les vendre maintenant
Android-Apple NSA ou Yota KGB humm!
Caca marron clair ou caca marron fonce, que choisir ? Dur choix en effet
Mwarfmwarfmwarf tout le monde sait que personne n’as accès a tes données sur un iPhone, c’est évident ! 😉
Dis moi Élodie mais qu’es-ce que tu fais au JdG ? Tu devrais travailler au Monde ou Courrier International, t’es article sont détaillés, bien écrits. Tu as vraiment du talent en tout cas.
« Le FSB aura accès [aux données des utilisateurs]. Nous n’avons pas le droit de vendre des téléphones sur le marché autrement. »
Oui par ce que la du coup ils sont baisé, ils penseront jamais a prendre un autre téléphone.
J’ai toujours pensé au début des déboires de Nokia. Que la vraie raison de leur dépeçage méthodique par Microsoft était l’enjeu de consolider le monopole américain de l’accès aux données mobiles, en concentrant les écosystèmes sur des technologies made in USA (Apple, Google, Microsoft). Un leader de la téléphonie européen comme Nokia, devait certainement être un “obstacle” il fallait donc soit le détruire, soit l’assimiler.
Vous faites pas d’illusions : l’espionnage des téléphones n’est pas nouveau, tout le monde le pratique depuis des décennies. Pour vous dire, déjà y a 7 ans, on apprenait en cours de sécurité/réseau/telecom qu’Israël avait longtemps gardé un vieux standard GSM (comme d’autres pays moins sympas) juste parce que les communications n’étaient pas cryptées et que c’était plus facile à écouter. :’D En France on avait pas besoin parce que les équipes des opérateurs téléphoniques étaient déjà en collaboration direct avec nos services spéciaux.
Ce qui a changé c’est pas les écoutes, c’est juste le côté “ciblé” qui a disparu. Au lieu de réduire les coûts en n’écoutant que ce qu’on a besoin, la doctrine à l’américaine que tous les pays adoptent fait qu’on préfère maintenant écouter tout, tout stocker dans un coin, et si on a besoin de trouver quelque chose, on se dit, cool, de toutes façons on a plusieurs années passées d’archives donc tout le temps pour chercher sans perdre une miette. Même si c’est quelque chose que vous avez fait il y a 5-10 ans.
Plus rien ne reste caché “localement” sur nos portables : les photos sont toutes sauvegardées sur le cloud, notre position GPS, nos messages, notre agenda, nos amis… obtenir tous ces renseignement est devenu une commodité pour les agences américaines (les autres agences se mettent juste à la page de la NSA pour rattraper leur retard). L’accès “détaillé” ne demande plus aucun moyen important, le seul truc chiant à faire c’est de poser une bombe dans votre portable. Mais tout le reste est faisable à distance pour un coût dérisoire.
Voilà le monde où on vit.