« Instant Articles », c’est parti ! 9 grands titres de presse se sont lancés dans l’aventure en partenariat avec Facebook : le New York Times, National Geographic, The Atlantic, Buzzfeed, NBC News, The Guardian, BBC News, Bild et Spiegel Online.
L’objectif affiché par Facebook : améliorer – encore et toujours – l’expérience utilisateur. En effet, jusqu’à présent, pour lire un article l’utilisateur devait cliquer sur un lien qui renvoyait vers le site hébergeant le contenu en question. Pour une moyenne de 8 secondes d’attente. Trop long pour Facebook et un enjeu crucial, d’autant plus sur mobile où les temps d’attente usent parfois la patience de nombres de lecteurs.
Désormais, ce sera « jusqu’à 10 fois plus rapide », une aubaine pour les utilisateurs, mais également pour la plateforme qui devient ainsi une plateforme média à part entière, de qualité, susceptible d’attirer et retenir un nouveau lectorat, et de fidéliser celui déjà présent.
Si l’expérience utilisateur prime, défier la concurrence accrue de nouveaux services – comme Snapchat avec “Discover”, qui a ravi la place de n°1 des réseaux sociaux à Facebook dans le cœur des jeunes – peu notamment expliquer cette volonté.
C’est également une envie de marquer le pas sur le mobile, le Saint-Graal des revenus publicitaires avec le marché de la vidéo.
Les médias quant à eux ont tout intérêt à voir arriver des lecteurs sur leur propre plateforme afin d’engranger un maximum de revenus publicitaires. Quel intérêt alors ? La sacro-sainte audience. Avec 1,39 milliard d’utilisateurs, Facebook est le seul réseau social à pouvoir se targuer d’un tel potentiel.
Publier directement sur Facebook c’est la possibilité de démocratiser son titre à moindres frais, générer plus de trafic sur son contenu et tirer son épingle du jeu quand certains médias devaient jusqu’ici rivaliser d’inventivité pour attirer le chaland avec des titres accrocheurs, si ce n’est racoleurs.
Les réseaux sociaux représentent une part de plus en plus significative du trafic des médias. Facebook représente ainsi 14 à 16 % du trafic du New York Times, les réseaux sociaux 10 % au Monde, 15 % pour 20 minutes et explose littéralement chez Buzzfeed avec 75 %.
Si une crainte de perte de souveraineté (données de navigation, édition, revenus publicitaires, etc.) pointait son nez du côté des médias en négociation avec la firme de Menlo Park, Facebook a tenu à rassurer et à leurs mijoter des conditions plutôt à leur avantage. Facebook délaisse (pour le moment ?) l’édition pour n’être qu’un hébergeur :
– Les médias pourront éditer leur propre contenu et le personnaliser sur “Instant Articles” : cartes interactives, légendes audio, galerie photo, vidéo, commentaires laissés sur un extrait d’articles, etc. ;
– les éditeurs peuvent vendre eux-mêmes de la publicité dans leurs articles publiés sur « Instant Articles » et conserver l’intégralité des revenus publicitaires générés ;
– si Facebook joue le rôle de régie publicitaire pour l’ensemble des espaces publicitaires ou seulement sur les invendus, la firme reversera tout de même 70 % des revenus générés aux éditeurs ;
– les éditeurs ou titres de presse pourront également collecter les données de leurs lecteurs sur Facebook… tout comme la firme. Les données de navigation ont cruciales pour analyser le comportement des lecteurs/internautes et proposer des publicités ciblées ;
– des modules de décompte des visites et des visiteurs uniques seront intégrés, les médias « conservent le crédit de leurs articles », tient à préciser Justin Osofsky, responsable des partenariats.
« Instant articles » leur permet de publier rapidement des articles interactifs tout en conservant le contrôle de leur contenu et de leur business modèle », assure Chris Cox, chef produit de Facebook.
Facebook lâche donc du lest du côté des revenus publicitaires, alors qu’ils représentent 90 % de son chiffre d’affaires. Néanmoins, plus les lecteurs restent sur l’application “Instant Articles”, plus ils sont susceptibles d’être exposés à de la publicité.
Quid de l’indépendance, voire de la dépendance vis-à-vis du réseau social ? Une fois dans le carrousel, les éditeurs risquent d’être pris dans le mouvement sans réelle possibilité d’en sortir sans dommages ou avec une marge de manœuvre réduite.
Facebook effectue des mises à jour régulières sur sa plateforme, de l’algorithme de son newsfeed (fil d’actualité en VF) – qui a droit de visibilité et d’opacité sur l’ensemble des contenus transitant sur la plateforme, à sa politique de confidentialité, dans quelle mesure les éditeurs de presse seront-ils touchés ? Facebook précise d’ailleurs que le contenu d’« Instant Articles » ne sera pas privilégié sur le fil d’actualité par rapport à d’autres contenus, mais bénéficiera d’une meilleure visibilité grâce à une couverture animée.
Tout l’enjeu des prochains mois à venir sera de trouver le juste équilibre entre la volonté écrasante de Facebook et les besoins des éditeurs de presse. La firme précise déjà qu’elle n’a pas la même approche que Google. Google News est décrié par nombre d’éditeurs de presse en Europe, l’accusant de spolier leur travail sans aucun retour. Pour calmer les réticences, Google a étendu son fonds pour la presse, Digital News Initiative,(jusqu’ici exception française) à toute l’Europe avec une enveloppe de 150 millions d’euros afin de « soutenir le journalisme de qualité » par « la technologie et l’innovation ».
Le test devrait être étendu à d’autres pays d’ici les prochains mois. En France, certains éditeurs seraient déjà en discussion avec Facebook.
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