Pierre nous a livré ses impressions sur le film. Pour ma part, je vais vous cueillir à la sortie de la salle, une main sur l’épaule, pour vous montrer du doigt quelques belles oeuvres à déguster si vous avez envie de pousser le bouchon un peu plus loin (et si accessoirement vous vous respectez un peu et aimez lire des trucs cool).
Ce dossier est garanti sans aucun spoiler sur le film.
Bon, attaquons directement par un constat purement personnel : le film m’a un poil déçu.
Je m’attendais à une manière un peu plus brutale d’aborder ce vilain. L’éternel problème du fan de comics qui connaît le personnage et s’attend à un traitement particulier, sans doute. Pire que ça en fait, je me suis laissé leurrer par les affiches plutôt classes du film. Mais si, celle avec cette belle brochette de super héros complètement ensevelis sous des millions d’Ultron. Le second effet Kiss Cool a été d’autant plus vicieux puisqu’il m’a remémoré ma toute première rencontre papier avec le personnage. C’est un peu ma faute quelque part. Mes espérances étaient hautes, beaucoup trop hautes.
Tout commence au retour des Avengers dans notre dimension après une sale baston contre Onslaught, en l’an de grâce 1998. Deux buts de Zidane et dix neuf chapitres plus tard, Kurt Busiek et George Pérez mettent les mains dans le cambouis et racontent leur version du grand méchant robot. Une sale histoire à base de combat ultra épique et de règlement de compte familial.
Le film reprend beaucoup d’éléments de la saga Ultron Unlimited. Le petit état indépendant d’Europe de l’Est qui en prend pleins les dents gratos, la multiplication des Ultron, et, surtout, le combat complètement désespéré contre une machine toute puissante. Ultron se paie en effet un nouveau corps en adamantium (vibranium dans le film puisque, hé, l’adamantium appartient à l’univers des mutants, et donc à la Fox) qu’il agrémente d’une grosse fournée de copies quasi conformes. Une première pour le comics qui a toujours présenté le vilain comme un ennemi unique avec un vilain sourire et un gros complexe d’Oedipe.
Tranquillou, Ultron devient en l’espace de deux chapitres un ennemi implacable qui se dote du don d’ubiquité. Un élément qui aurait pu amener un retournement de situation complètement fou dans le film si l’affiche n’avait pas décidé de spoiler ce ressort dès le début de sa promo. Le film de Joss Whedon nous montre bien sûr les Avengers qui affrontent quantités de robots mais passe complètement à côté de la sauvagerie de la rencontre. Rappelons que dans le comics Ultron massacre entièrement la population du pays qu’il conquiert, sans état d’âme. Le film joue clairement moins sur le côté oppressant. En gros, on remplace simplement les aliens du premier film par des robots. Rassurez vous, nos super héros préférés restent parfaitement brushingués tout du long, avec un peu de poussière sur les épaules pour qu’on ne crie pas trop au scandale.
L’ambiance est tout autre sur le papier.
La lecture d’Ultron Unlimited reste un indispensable si vous voulez vous familiariser avec les origines du robot, ou tout simplement si vous voulez lire un truc très épique. Kurt Busiek, scénariste réputé pour son respect presque maladif de la timeline de l’univers Marvel, parsème son run d’explications et de compte rendus des apparitions phares du robot. Il déballe toute l’histoire sans noyer son lecteur et remet tous les acteurs un par un sur le devant de la scène. Tout ça en quatre chapitres, sans jamais perdre en rythme ou en intensité (contrairement au film).
À lire : Marvel Icons tome 2 (V.F.)
À lire : Ultron Unlimited sur comixology
Les nouveaux venus découvriront entre autre la base de la BASE : ce n’est pas Tony Stark qui est à l’origine de la création d’Ultron, mais Hank Pym, un scientifique réputé, membre fondateur des Avengers et créateur des particules Pym qui lui permettent de modifier sa taille et sa corpulence pour devenir au choix Ant-Man ou Giant-Man (selon les jours de la semaine). Puis il crée Ultron-1, une intelligence artificielle qui va vite reprendre le contrôle, crée Vision, et s’imposer au fil de ses améliorations comme l’un des plus grands ennemis des Avengers, voire de l’univers Marvel tout entier.
Le premier contact remonte à 1968, dans Avengers #54.
Ultron a été crée à l’image de son père, calquant les schémas mentaux du scientifique pour façonner l’intelligence artificielle. Hank Pym est loin d’être un homme sain, ce qui explique les nombreux dérapés du robot : sa haine naturelle envers les humains, son penchant pour Janet (la femme d’Hank, alias La Guêpe, l’autre membre fondateur des Avengers qui n’a pas été retenu pour la version ciné) et ses lubies d’évolution à tout prix. C’est dans cette optique qu’Ultron donne naissance à Vision. Mis à part quelques raccourcis obligatoires pour une intrigue de deux heures, cette partie du film là tient la route, tout comme le désaveu de l’androïde vis-à-vis de son créateur et son intégration au sein des Avengers.
Quitte à lire une confrontation qui tourne complètement autour de ce joli trio, optez pour Rage of Ultron qui vient tout juste de sortir.
On aurait pu craindre un gimmick un peu facile, l’ajout du r pour créer un lien purement commercial avec le film. Rage of Ultron propose toutefois à un bel ouvrage pour cerner un peu plus rapidement le personnage. On s’attarde ici sur les tensions naissantes au sein de l’équipe, sur le fait de considérer ou non les êtres hybrides tels que Vision comme des êtres vivants. Une question que se pose les Avengers alors qu’ils affrontent une race hybride entre hommes et machines au début de l’histoire.
Rage of Ultron se présente comme un drame d’autant plus fort qu’il nous conte à la fois la première et la dernière rencontre entre le robot-tueur et le groupe de super héros. Si Ultron campe toujours sur les mêmes positions extrêmes, le groupe, lui, ne cesse d’évoluer et de changer de visages. Le nouveau lecteur appréciera le bond dans le temps, entre une formation classique très proche du film et une autre nettement plus éclectique et inspirée des histoires modernes que Marvel nous sert actuellement en papier.
Sam Wilson en Captain America, le nouveau Thor (qui, nous vous le rappelons, est une femme en ce moment), les jumeaux Maximoff, Vision, Spider-Man ou le tristement célèbre Sabretooth passé du bon côté des feux de la rampe depuis l’event Axis (à ne jamais lire). La composition ressemble beaucoup à ce que l’on voit actuellement sur le titre Uncanny Avengers, ce qui s’explique par la présence du même scénariste sur les deux histoires : le talentueux Rick Remender, très friand d’histoires joliment tordues (sauf sur Axis, dont je n’explique toujours pas l’échec sur toute la ligne).
L’auteur est très doué pour nous emmener dans des récits haletants bardés de menaces impossibles et de versions de super héros revus et corrigés. C’est tout naturellement que l’on fait appel à lui pour imaginer l’ultime règlement de compte entre Ultron et son père (Hank Pym), et son fils (Vision), et quelques Avengers au milieu.
Et une planète à son effigie. Mégalomanie over 9000.
Aux dessins Jerome Opena livre un boulot fantastique, toujours aussi doué lorsqu’il s’agit de placer son lecteur au coeur d’un conflit perdu d’avance (clin d’oeil à Fear Agent dont il signe une partie des planches). Mis à part des petits soucis de cohérence avec la timeline officielle, la centaine de pages se dévore sans aucune peine. C’est intelligent, assez drôle, toujours très fin, bref, du Remender dans toute sa splendeur. Pas aussi excitant que son passage sur Uncanny X-Force, mais très bon tout de même. Et un contrepoint parfait à un film peut-être un poil terre à terre qui aurait gagné à se lâcher un peu plus.
À lire : Rage of Utron
Pour les cinéphiles, Age of Ultron est le nom du film qui clôt (plus ou moins) officiellement la phase 2 du Marvel Cinematic Universe. Pour les lecteurs de comics, c’est aussi le nom d’un event mis en chantier par Bendis il y a quelques années et sorti dans la douleur début 2013 avant d’être lâché vers les débuts de Marvel Now! comme un cheveu sur la soupe. Difficile de vous recommander la lecture, mais il fallait en parler. Au moins pour cette histoire de sous-titre trompeur, surtout pour essayer de comprendre les motivations derrière cet étrange choix éditorial. Sachez seulement qu’il n’y a zéro lien avec le film, si ce n’est la vision d’un futur possible dans lequel le robot a gagné le jeu.
La Terre est devenue une carcasse mécanique méconnaissable. Les super héros sont brisés, divisés en petites factions qui n’ont d’autres choix que de se terrer sous les décombres pour survivre aux assauts réguliers des machines. Du post-apo Terminator qui n’a rien de transcendant sur le fond, on est d’accord. Si ce n’est dans les planches ultra fournies de Bryan Hitch, que l’on a déjà vu à l’oeuvre sur The Ultimates.
Comme souvent chez Bendis, tout part sur de belles promesses d’histoire sympatoche pour rapidement tomber dans quelque chose de très convenu, voire fadasse. Les premiers chapitres posent une ambiance, un rythme étiré loin d’être dégueu. C’est lent, parfois mélancolique dans cette poignée de planches qui ne s’attardent que sur les parties ravagées de New York. Puis viennent les justifications un peu vaseuses pour rattacher le lecteur (le client) à l’univers principal, et patatra, tout fout le camp et on tombe dans une histoire imbuvable de voyage dans le temps à répétition. Hitch quitte le navire au milieu de l’aventure et se voit remplacer par une succession de dessinateurs peu inspirés par la démarche. Bref, c’est un gigantesque gâchis. Arrêtez vous au troisième chapitre et écrivez votre propre fin sur coin de table. Vous ferez très certainement mieux.
À (ne pas trop) lire : Age of Ultron
Et sinon, saviez-vous qu’en plus d’être un robot Ultron a été UNE FEMME le temps d’une poignée de chapitres ?
Bien avant que Loki et Thor n’ouvrent la marche, Ultron avait déjà lancé la mode. Bon, avec Frank Cho aux dessins, le propos est beaucoup moins féministe que sur les histoires actuelles du dieu nordique.
Tout se passe à la sortie de Civil War. Iron Man se voit confier les clefs du royaume, un héliporteur tout neuf et un bon gratuit pour créer son équipe d’Avengers de A à Z. On connaît la mégalomanie de Stark, c’est sans surprise qu’il décide de s’entourer de la crème de la crème en terme de puissance brute.
L’histoire n’a pas grand chose à voir avec Ultron finalement. Iron Man se fait proprement déposséder de son identité suite à un piratage de son armure Extremis puis remodeler à l’image de Janet, la femme d’Hank Pym. Ça se bastonne sec, ça explose du buidling et des dinosaures avec beaucoup de classe, et aucune fille ne fait moins de 95D.
Bienvenue dans la tête de Frank Cho.
À lire : The Ultron Initiative
Et saviez-vous que c’est grâce à Ultron que vous connaissez les Gardiens de la Galaxie ?
Dan Abnett et Andy Lanning sont connus pour avoir façonné la partie cosmique du Marvelverse pendant quelques années. En 2006, ils lancent le crossover Annihilation qui rameute tout le gratin du cosmos contre la menace du virus techno-organique Phalanx. On y croise entre autres Nova, Star-Lord, Quasar et Adam Warlock, des noms qui ne vous disent peut-être pas grand chose mais qui font vibrer le petit coeur des fans d’aventures cosmiques, à l’époque où c’était à la mode, quelque part dans les années 80.
On retient surtout de cette histoire (dont le grand méchant caché est Ultron, hein, spoiler) la mise en place de la nouvelle formule des Gardiens de la Galaxie telle que le monde entier la connaît. Nous vous en parlions dans un dossier spécialement conçu pour la sortie du film. Des cendres de cette guerre naît donc la v2 qui regroupent les rescapés de cette guerre et une partie du casting du futur film de James Gunn, avec des ratons laveurs et des arbres mignons qui se trémoussent sur du Jackson Five.
À lire : Annihilation Conquest
Pour transformer les étales des comic shops aux couleurs du film, Ultron se paie aussi une mini-série en six numéros baptisée Ultron Forever. Encore une histoire de voyages dans le temps et d’univers sous l’emprise d’Ultron vous me direz. A la lecture du seul chapitre disponible, ça fait tout de même nettement plus fun et lisible que l’event en dix chapitres de Bendis.
Pour le pitch, on fait dans le classique. Doctor Doom décide de réunir une poignée d’Avengers issus de différentes époques pour sauver notre univers ultronisé, 500 ans dans le futur. Au casting on a le droit à une Captain America du futur (incarnée par Danielle, la fille de Luke Cage et Jessica Jones), deux Thor pour le prix d’un, James Rhodes en Iron Man, Black Widow, Hulk et Vision.
Beau début, au moins pour l’immense plaisir de revoir Alan Davis aux dessins, bien trop rare à mon goût. On pourrait croire (à juste raison) à un produit dérivé uniquement là pour attirer le chaland, mais le mélange impromptu d’une galerie de super héros sélectionné au plouf-plouf que l’on balance dans le cosmos et dans le temps a toujours fait ses preuves. On nous promet en tout cas des instants déconnectés de la réalité, et du coup, extrêmement facile à suivre pour un lecteur occasionnel.
À lire : Ultron Forever
Pour finir, j’aimerais attirer votre attention sur le prologue du film à ÉVITER COMME LA PESTE.
Si d’aventures vous décidez de franchir le seuil d’une boutique de comics, gardez bien en tête que ce truc (je n’ai pas d’autre mot) est un très mauvais investissement. Pire, il pourrait vous donner une image complètement fausse des comics tant sa réalisation est à la rue. Le postulat de proposer du matériel proche du film est une idée louable en soi, mais ici, ça en devient complètement décourageant. Les dessins sont atroces, l’intérêt proche du zéro. Préférez lui Ultron Forever, beaucoup plus honnête dans la démarche.
À ne jamais lire (ne cliquez même pas) : Avengers Hors Série 8 : Avengers l’Ere d’Ultron : Le prologue au film
Honnêtement, quitte à dépenser une poignée d’euros en trop, je conseille ce magnifique album de vignettes plus raccord niveau ambiance.
Bisous.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.
mais alors qu’a t-on fait de Hank Pym dans les films ? néant ? et pourquoi ce choix ?
Hank Pym sera présent dans le prochain film marvel Ant-Man joué par mickael douglas. Il aurait dû apparaître dans ce avengers mais les soucis de scénariste et autres ayant retardé le film, ils ont du faire autrement. Et petite précision, ultron a été créé à la base pour aider l’humanité lors de catastrophe naturelle ou autre et est capable de s’adapter à n’import quel situation (c’est pour sa qu’il évolue à chaque fois)
TL;DR LOL
Je trouve ces historiques de comics en rapport avec l’actu de leur adaptation ciné/série très bien fait. Ayant bcp bcp lu de comics étant gamin et ayant ensuite quand même bien arrêté de les suivre, c’est top de pouvoir avoir un récap de ce que j’ai loupé, au cas où me viendrait la réelle envie de m’y replonger (après tout, je le fait bien pour Akira et les Batman de Grant Morrisson). Et ceci bien que je trouve toutes mais vraiment toutes les productions ciné Marvel/Disney d’une nullité innommable.
Super article!
Ayant arrêter il y a près de 20 ans de lire des comics, cet article me redonne presque envie de m’y replonger.
Bravo à vous 🙂
J’ai arrêté de lire l’article, n’ayant pas vu le film le film encore…
Garanti sans spoiler ? Il y a plein de références au film, avec l’avis subjectif qui va bien… (exemple : Ultron en Vibranium, je savais pas…) et pourtant j’ai lu même pas la moitié de l’article.
J’ai plus l’impression de lire une critique du film vis à vis des comics, que réellement apprendre l’origine d’Ultron.
Je le relirai peut-être après le film, et encore…
Super article, complet sans être rébarbatif !
Beau boulot !
j’ai pas lu SIXIS mais peut on etre plus dégoutant que AGeOfUltron, bendis m’a tellement déçu…….
Je n’ai presque jamais lu de comics, donc, je n’ai pas de grandes attentes pour les films marvels ou autres, je les regardent pour les plaisirs des yeux et des oreilles. mais sympa le dossier.