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[Chronique] Ubisoft, ce « petit jeu » en vaut-il la chandelle ?

Avec les excellents Grow Home ou Soldats Inconnus, Ubisoft a prouvé qu’il n’était pas qu’une machine à blockbusters annualisés. Une incursion intéressante dans une offre plus…

Avec les excellents Grow Home ou Soldats Inconnus, Ubisoft a prouvé qu’il n’était pas qu’une machine à blockbusters annualisés. Une incursion intéressante dans une offre plus « intimiste » qui doit sa présence à des éléments structurels, mais qui naît avant tout de l’initiative des créatifs de la société française. Au risque de leur donner ensuite envie d’ailleurs.

Révélé le 23 janvier pour une sortie le mois d’après, Grow Home (8/10 chez nous) est le dernier petit de la série de jeux dont on parle : des jeux nés des mains de petites équipes – comparées à celles qui développent les grandes licences – et qui embarquent tous en eux un petit quelque chose de « rafraîchissant » : c’est l’idée de base de Grow Home, c’est la direction artistique de Child of Light (2014), c’est le thème et la narration de Soldats Inconnus : Mémoires de la Grande Guerre (2014). Pour un peu, le joueur pourrait croire qu’il a affaire à des jeux indépendants.

Bien entendu, ils ne le sont pas. Les deux derniers titres cités ont par exemple pleinement bénéficié de la machine à communiquer d’Ubisoft alors que l’indépendant, le vrai, doit construire son succès à la force du bouche à oreille. Néanmoins, leur développement contraste avec l’organisation tentaculaire que nécessite un Assassin’s Creed, par exemple ; une trentaine de développeurs ont œuvré sur Child of Light, pour un budget équivalent à deux mois de production d’un Assassin’s Creed, qui lui demande deux ans de travail.

Ce qui est intéressant de noter, c’est que le Français est un des seuls « grands » éditeurs tiers à faire accoucher de ses propres studios ce type de projets, quand Electronic Arts ou Activision (qui a par exemple poussé la sortie récente du très cool White Night) préfèrent s’associer à d’autres studios ou s’occuper seulement de la distribution. À y regarder de plus près, cela tient déjà à la structure éclatée d’Ubisoft, qui compte des dizaines de studios de par le monde et où un même projet peut être dispatché entre plusieurs de ces studios. Assassin’s Creed Unity par exemple, c’est 10 studios sur le coup, de Montréal à Shanghai en passant par Annecy. Entre deux projets de cette taille, chaque studio fera la parenthèse avec un projet plus singulier, tel qu’un free-to-play, un jeu mobile, ou une proposition originale dudit studio. Yann Masson, Directeur Editorial chez Ubisoft, nous explique par exemple comment est né Grow Home.

 

“Certains (de ces jeux) viennent d’expérimentations au niveau de mécaniques de gameplay. Ainsi, un jeu comme Grow Home est issu d’une équipe qui faisait des recherches sur l’animation procédurale. Le concept a plu dans le studio, qui a ensuite partagé le jeu avec tout Ubisoft et devant les bons retours, il est devenu un jeu à part entière. Cela permet de développer des talents, des savoir-faire, et permet à nos créatifs d’exprimer leurs idées.”

L’effet positif de cette ouverture, c’est qu’il permet aux créatifs de l’éditeur de sortir du schéma plus rigide du développement de blockbusters (et de la pression qui découle de leurs enjeux). “Ces jeux permettent à nos développeurs de travailler sur des projets personnels, autour d’un thème qui leur est cher”, confirme Yann Masson. Ça a été le cas pour Patrick Plourde, directeur créatif sur Assassin’s Creed : Brotherhood et Far Cry 3, qui a porté la vision de Child of Light, la meilleure production sur laquelle il a travaillé, assure-t-il. C’est le cas aussi pour Alex Hutchinson, directeur créatif sur Far Cry 4 et qui œuvre en ce moment même sur un projet « à petit budget » encore tenu secret.

À vrai dire, Ubisoft aurait tort de se priver des initiatives des siens. Non seulement ces jeux lustrent son image – la presse a notamment très bien accueilli Soldats Inconnus, qui a remporté tout un tas de prix (et un 8/10 chez nous) – mais il semble en plus qu’ils soient rentables. Si l’on en croit Patrick Plourde, Child of Light a très bien marché. Quant à Soldats Inconnus, c’est plus d’un million de copies écoulées. Même si on est loin des profits que peuvent générer une grosse licence, cela peut suffire à lancer des suites. Patrick Plourde, toujours lui, a déclaré récemment sur Twitter qu’Ubisoft bosse actuellement sur un (nouveau) jeu dans le (sublime) univers de Child of Light.

Soldats Inconnus
Soldats Inconnus

Si l’on en croit Yoan Fanise, qui a travaillé sur Soldats Inconnus et qui a annoncé sa démission récemment, Ubisoft a tout intérêt à (re)développer ce segment. Il a notamment pointé au site Gamasutra la perte d’un certain esprit créatif chez l’éditeur, alors qu’il estime la diversité du catalogue d’Ubi comme une de ses grandes forces.

Sur Soldats Inconnus, nous voulions retrouver l’esprit de Beyond Good & Evil, avec un procédé de création collégiale. On était tous impliqués dans le script, le level design, le game design.

Plus que son éditeur, c’est les exigences du développement de AAA que critique Yoan Fanise.

L’échelle industrielle et l’organisation d’un projet aussi vaste qu’Assassin’s Creed suppriment les connexions entre les gens qui travaillent dans des catégories de métiers différentes, par exemple. Vos interactions sont limitées et il est vraiment difficile d’avoir une vision globale de ce à quoi ressemblera le jeu une fois achevé.

Child of Light
Child of Light

Donner envie de refaire du blockbuster quand vous avez laissé vos développeurs travailler sur un projet plus personnel, voilà toute la problématique d’Ubisoft s’il veut conjuguer sa stratégie au pluriel. Yann Fanise le résume avec une métaphore.

Une chaîne de restaurants à succès peut autoriser à certains de ses cuisiniers d’installer un food-truck sur son parking, et leur demander ensuite de revenir à l’intérieur. Que feriez-vous ?

C’est presque un combat contre lui-même que doit donc livrer le développeur/éditeur francophone pour satisfaire tous les publics. Car proposer une offre variée est un vrai atout à l’heure où les modes changent rapidement. Dans cette stratégie, Ubisoft ne se fixe en tout cas aucune limite, assure Yann Masson.

Que ce soit pour ces projets ou pour d’autres d’une plus grande importance, à l’instar de Watch Dogs, ce sont les équipes qui viennent vers nous avec leurs idées et leurs concepts. À partir de là, une décision est prise quant à leur validation et le départ en production. Nous n’avons donc pas de nombre fixe de projets à développer, tout se fait en fonction des idées de nos équipes.

Tant mieux, car c’est cet Ubisoft là qu’on aime le plus.

Notre test de Grow Home

Notre test de Soldats Inconnus : Mémoires de la Grande Guerre

Notre test de Child of Light

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