Bloodborne est-il la vraie killer-app que la PS4 attendait ?
Projet exclusif pour Sony, le dernier From Software renvoie à l’impression qu’avait laissé Demon’s Souls. Quelque chose de viscéral et de fascinant, qui amenait une sorte de nouveau genre. Dark Souls 1 et 2 ont poursuivi la lignée du sang, mais en regardant sans cesse en arrière. Bloodborne, lui, fonce dans le tas, ce qui marche étonnamment bien.
Se réveiller dans un cauchemar. C’est ce que propose Bloodborne dès une entrée en matière qui donne le ton. Bombardé de concepts, de thérapie du sang, d’une église oubliée, le joueur descend un simple escalier, dans un calme rassurant, et se fait déchiqueter par un loup-garou difforme. Après cette mort violente, le personnage dont on ne connaît rien émerge dans un hameau flouté, antichambre d’une nuit où tout va se dérouler dans l’horreur la plus totale. Depuis ce hub ressemblant à un cimetière, il faut choisir une tombe et se téléporter à la toute première zone du jeu, début de ce qui est connu comme “La Chasse”.
Pas le temps de poser les tenants et les aboutissants, le jeu vous a déjà noyé. Équipé d’une arme contondante et d’un simple pistolet, ce qui s’apparente à un lord anglais en goguette est le pauvre personnage qui va devoir parcourir un monde « ouvert » à la recherche de la source de la métamorphose immonde de son univers. Inspiré d’une Angleterre victorienne dans laquelle Lovecraft serait architecte royal et Dracula responsable de la politique sociale nationale, l’univers de Bloodborne est une vision putréfiée de la réalité. Comme si les vices de chacun, la noirceur de l’humain, s’étaient rassemblés pour recouvrir un Londres laissée à l’abandon.
Très vertical, Bloodborne est littéralement une plongée dans l’enfer où chaque boss tué est une épreuve. Le souffle de plus en plus court, le joueur progresse à bout de forces dans un dédale qui masque ses pièges le plus meurtriers dans les dernières heures. Jamais la puissance acquise ne permet d’être serein. Au contraire, être confiant est une faute. Tout est fait pour écraser : l’architecture oppressante à mi-chemin entre du pur gothique anglais et un tableau de Bacon, les ennemis toujours plus massifs. Le sentiment d’être dans une œuvre majeure du romantisme qui aurait remplacé la force de la nature par celle du sang. En gros, Bloodborne vous signifie à coups de pioche qu’il vous veut du mal.
Le prix du sang
Il faut survivre, coûte que coûte. Pour cela From Software s’est décidé à changer lui aussi d’époque. Avec leur esthétique gros moyen-âge qui tâche, Demon’s Souls et Dark Souls légitimaient les chevaliers lourds, les attaques lentes, et une gestion du poids de l’équipement. L’époque pré-révolution industrielle de Bloodborne est plus épurée. Les vestons ont remplacé les cottes de mailles et les armes à feu ont supplanté les arcs. Ce qui amène forcément davantage de légèreté et donc de mobilité. La jauge d’endurance est encore présente et se révèle toujours aussi punitive, mais désormais, le choix des armes et de la tenue n’influe plus sur sa consommation. Un changement qui favorise les esquives et les roulades et donc la nervosité. Dès qu’un ennemi est ciblé, via un système de lock pas toujours très performant, le personnage ne peut que bondir rapidement en arrière ou sur les côtés, les cabrioles étant réservées à la caméra libre. Autant dire qu’à part de rares moments de fuite éperdue, leur utilisation n’est pas aussi systématique que dans Dark Souls 2. Ici, la clé est la prévision et le fait de tourner autour de son adversaire, comme un boxeur. Frapper par petites touches, rester mobile, la mutation des combats de Bloodborne donne au jeu une saveur de beat’em all intense au rythme précis. Autre mécanique qui incite à être offensif : la possibilité de récupérer d’une partie de ses blessures en ripostant. Ainsi, le joueur qui ne se laisse pas abattre après avoir encaissé un coup essaiera immédiatement de rendre la pareille pour récupérer une partie de sa vie. Une très bonne idée qui dynamise tout le gameplay.
Une approche reposant en grande partie sur l’utilisation des armes à feu qui ne sont pas du tout un gage de tranquillité, mais un excellent principe de contre. Fonctionnant à la manière des boucliers dans les précédents épisodes, les flingues sont là pour stopper une attaque, étourdir l’adversaire et lui faire énormément de dégâts ; voire le tuer d’un seul coup. Le timing est très serré et demande de connaître les comportements de chaque type d’ennemi, pour ne pas se retrouver à tirer dans le vide en espérant avoir réussi son action. L’attaque non annulée étant alors difficile à éviter. Une excellente idée qui donne un feeling bien plus viscéral aux parades avec toutefois une contrepartie, l’obligation de trouver des balles, denrée assez rare sans farmer à dessein des dizaines de monstres.
Chapeau melon et bottes dans la face
Déjà épiques auparavant, les combats contre les boss, originaux et extirpés des pires délires, deviennent de grands moments d’esquive et de tension, rappelant parfois certains duels de Zone of the Enders, sans robot mais avec une canne-fouet. From Software a eu l’intelligence de dégraisser son système de jeu pour en tirer une sorte de pureté, expurgée des variations de Dark Souls 2. Pas forcément moins ou plus difficile, Bloodborne est surtout sans concession, comme l’était Demon’s Souls. Pas de pas en avant vers le joueur, il faut apprendre à la dure, s’adapter et comprendre. Un leitmotiv qui se répand jusqu’à la façon dont est pensé ce monde, connecté et d’un seul bloc. Il est possible de se faire une cartographie mentale, de ressentir la densité, l’étendue de cet univers d’une cohérence sans faille. À la différence, encore une fois, d’un Dark Souls 2 qui semblait construit sur un plan illogique.
En soi, Bloodborne conserve énormément du concept de base de ses prédécesseurs, notamment Dark Souls, mais parvient à étonner par sa construction et la richesse de son gameplay. La présence de très peu d’armes, composées chacune de deux formes et nécessitant des évolutions régulières via certains items, peut sembler assez chiche. Mais au contraire, comme pour les bases du système de jeu, From Software s’est rapproché d’une épure, opposée à l’explosion de détails de la DA épatante qui entoure le joueur. La montée en puissance est celle d’un artisan qui se forge lui-même et ses outils. Ce qui la rend encore plus palpable.
Puissant et intransigeant, ce résumé de Bloodborne semble être identique à celui des autres productions en « Souls » de From Software. En l’état, il ne diffère pas vraiment de ses prédécesseurs. Croisement du jeu solo/online, principe des âmes laissées derrière soi, Lucidité qui remplace grosso modo l’Humanité, Bloodborne reprend les bases comme un Final Fantasy reprend l’univers auquel il appartient. Pourtant, là où le jeu aurait pu se contenter d’être un skin 19e siècle et se vendre tranquillou, l’équipe de Miyazaki Hidetaka a décidé de faire évoluer son système vers ce qui lui manquait, la nervosité qui résidait déjà dans les coups de sang du joueur. La surprise n’est plus, les concepts sont intégrés, mais Bloodborne étonne chaque minute, prend par les tripes lors des combats, semble être en quelque sorte la forme adulte d’une série au succès, lui aussi surprise. La meilleure adaptation non officielle de Dracula à ce jour.
Bloodborne est disponible sur PS4, pour 70 euros prix conseillé, mais a priori, vous devriez pouvoir le trouverez pour moins cher facilement.
Projet exclusif pour Sony, le dernier From Software renvoie à l’impression qu’avait laissé Demon’s Souls. Quelque chose de viscéral et de fascinant, qui amenait une sorte de nouveau genre. Dark Souls 1 et 2 ont poursuivi la lignée du sang, mais en regardant sans cesse en arrière. Bloodborne, lui, fonce dans le tas, ce qui marche étonnamment bien.
Se réveiller dans un cauchemar. C’est ce que propose Bloodborne dès une entrée en matière qui donne le ton. Bombardé de concepts, de thérapie du sang, d’une église oubliée, le joueur descend un simple escalier, dans un calme rassurant, et se fait déchiqueter par un loup-garou difforme. Après cette mort violente, le personnage dont on ne connaît rien émerge dans un hameau flouté, antichambre d’une nuit où tout va se dérouler dans l’horreur la plus totale. Depuis ce hub ressemblant à un cimetière, il faut choisir une tombe et se téléporter à la toute première zone du jeu, début de ce qui est connu comme “La Chasse”.
Pas le temps de poser les tenants et les aboutissants, le jeu vous a déjà noyé. Équipé d’une arme contondante et d’un simple pistolet, ce qui s’apparente à un lord anglais en goguette est le pauvre personnage qui va devoir parcourir un monde « ouvert » à la recherche de la source de la métamorphose immonde de son univers. Inspiré d’une Angleterre victorienne dans laquelle Lovecraft serait architecte royal et Dracula responsable de la politique sociale nationale, l’univers de Bloodborne est une vision putréfiée de la réalité. Comme si les vices de chacun, la noirceur de l’humain, s’étaient rassemblés pour recouvrir un Londres laissée à l’abandon.
Très vertical, Bloodborne est littéralement une plongée dans l’enfer où chaque boss tué est une épreuve. Le souffle de plus en plus court, le joueur progresse à bout de forces dans un dédale qui masque ses pièges le plus meurtriers dans les dernières heures. Jamais la puissance acquise ne permet d’être serein. Au contraire, être confiant est une faute. Tout est fait pour écraser : l’architecture oppressante à mi-chemin entre du pur gothique anglais et un tableau de Bacon, les ennemis toujours plus massifs. Le sentiment d’être dans une œuvre majeure du romantisme qui aurait remplacé la force de la nature par celle du sang. En gros, Bloodborne vous signifie à coups de pioche qu’il vous veut du mal.
Le prix du sang
Il faut survivre, coûte que coûte. Pour cela From Software s’est décidé à changer lui aussi d’époque. Avec leur esthétique gros moyen-âge qui tâche, Demon’s Souls et Dark Souls légitimaient les chevaliers lourds, les attaques lentes, et une gestion du poids de l’équipement. L’époque pré-révolution industrielle de Bloodborne est plus épurée. Les vestons ont remplacé les cottes de mailles et les armes à feu ont supplanté les arcs. Ce qui amène forcément davantage de légèreté et donc de mobilité. La jauge d’endurance est encore présente et se révèle toujours aussi punitive, mais désormais, le choix des armes et de la tenue n’influe plus sur sa consommation. Un changement qui favorise les esquives et les roulades et donc la nervosité. Dès qu’un ennemi est ciblé, via un système de lock pas toujours très performant, le personnage ne peut que bondir rapidement en arrière ou sur les côtés, les cabrioles étant réservées à la caméra libre. Autant dire qu’à part de rares moments de fuite éperdue, leur utilisation n’est pas aussi systématique que dans Dark Souls 2. Ici, la clé est la prévision et le fait de tourner autour de son adversaire, comme un boxeur. Frapper par petites touches, rester mobile, la mutation des combats de Bloodborne donne au jeu une saveur de beat’em all intense au rythme précis. Autre mécanique qui incite à être offensif : la possibilité de récupérer d’une partie de ses blessures en ripostant. Ainsi, le joueur qui ne se laisse pas abattre après avoir encaissé un coup essaiera immédiatement de rendre la pareille pour récupérer une partie de sa vie. Une très bonne idée qui dynamise tout le gameplay.
Une approche reposant en grande partie sur l’utilisation des armes à feu qui ne sont pas du tout un gage de tranquillité, mais un excellent principe de contre. Fonctionnant à la manière des boucliers dans les précédents épisodes, les flingues sont là pour stopper une attaque, étourdir l’adversaire et lui faire énormément de dégâts ; voire le tuer d’un seul coup. Le timing est très serré et demande de connaître les comportements de chaque type d’ennemi, pour ne pas se retrouver à tirer dans le vide en espérant avoir réussi son action. L’attaque non annulée étant alors difficile à éviter. Une excellente idée qui donne un feeling bien plus viscéral aux parades avec toutefois une contrepartie, l’obligation de trouver des balles, denrée assez rare sans farmer à dessein des dizaines de monstres.
Chapeau melon et bottes dans la face
Déjà épiques auparavant, les combats contre les boss, originaux et extirpés des pires délires, deviennent de grands moments d’esquive et de tension, rappelant parfois certains duels de Zone of the Enders, sans robot mais avec une canne-fouet. From Software a eu l’intelligence de dégraisser son système de jeu pour en tirer une sorte de pureté, expurgée des variations de Dark Souls 2. Pas forcément moins ou plus difficile, Bloodborne est surtout sans concession, comme l’était Demon’s Souls. Pas de pas en avant vers le joueur, il faut apprendre à la dure, s’adapter et comprendre. Un leitmotiv qui se répand jusqu’à la façon dont est pensé ce monde, connecté et d’un seul bloc. Il est possible de se faire une cartographie mentale, de ressentir la densité, l’étendue de cet univers d’une cohérence sans faille. À la différence, encore une fois, d’un Dark Souls 2 qui semblait construit sur un plan illogique.
En soi, Bloodborne conserve énormément du concept de base de ses prédécesseurs, notamment Dark Souls, mais parvient à étonner par sa construction et la richesse de son gameplay. La présence de très peu d’armes, composées chacune de deux formes et nécessitant des évolutions régulières via certains items, peut sembler assez chiche. Mais au contraire, comme pour les bases du système de jeu, From Software s’est rapproché d’une épure, opposée à l’explosion de détails de la DA épatante qui entoure le joueur. La montée en puissance est celle d’un artisan qui se forge lui-même et ses outils. Ce qui la rend encore plus palpable.
Puissant et intransigeant, ce résumé de Bloodborne semble être identique à celui des autres productions en « Souls » de From Software. En l’état, il ne diffère pas vraiment de ses prédécesseurs. Croisement du jeu solo/online, principe des âmes laissées derrière soi, Lucidité qui remplace grosso modo l’Humanité, Bloodborne reprend les bases comme un Final Fantasy reprend l’univers auquel il appartient. Pourtant, là où le jeu aurait pu se contenter d’être un skin 19e siècle et se vendre tranquillou, l’équipe de Miyazaki Hidetaka a décidé de faire évoluer son système vers ce qui lui manquait, la nervosité qui résidait déjà dans les coups de sang du joueur. La surprise n’est plus, les concepts sont intégrés, mais Bloodborne étonne chaque minute, prend par les tripes lors des combats, semble être en quelque sorte la forme adulte d’une série au succès, lui aussi surprise. La meilleure adaptation non officielle de Dracula à ce jour.
Bloodborne est disponible sur PS4, pour 70 euros prix conseillé, mais a priori, vous devriez pouvoir le trouverez pour moins cher facilement.
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