Qu’est-ce que vous faites pendant les temps de chargement dans vos jeux ? Vous lisez votre flux Twitter sur votre téléphone portable ? Vous caressez votre chat ? Vous jonglez avec des mandarines ? Peut-être que, comme moi, vous restez, l’œil hagard, devant les conseils de jeu apathiques que vous affichent ces écrans fixes, avec un logo qui tourne, quelque part dans un coin.
Mais au fait, savez-vous pourquoi on doit subir ça dans les jeux ? C’est notamment parce qu’il y a 20 ans, Namco a déposé un brevet sur les « jeux auxiliaires » qui interdit aux autres développeurs de mettre des mini-jeux pendant les temps de chargement. Il a été déposé à l’occasion de la sortie de Ridge Racer sur PlayStation, qui permettait de jouer au classique du shoot’em up Galaxian pendant que le jeu chargeait.
Donc ouais. Un bon gros brevet de saligaud.
David Hoppe est un spécialiste du droit pour la défense du consommateur dans le domaine du jeu vidéo, des médias et de la musique. Sur Gamasutra, il rappelle que ce brevet assez douteux qu’a déposé Namco en 1995 est sur le point d’expirer cette année. Le 28 novembre pour être précis. Techniquement, à partir de cette date, les développeurs auront le droit de commencer à réfléchir à mettre des minijeux pendant les temps de chargement dans leurs titres.
Comme le rappelle Hoppe, une telle interdiction a forcé les éditeurs à trouver des moyens de contournement s’ils souhaitaient éviter de mettre des écrans fixes dans les jeux. La stratégie classique est bien évidemment de cacher les temps de chargement. Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi les portes mettaient autant de temps à s’ouvrir dans Metroid Prime sur GameCube ? Temps de chargement. Ou bien dans The Wind Waker, les longs voyages en mer étaient parfaits pour masquer des temps de chargements. D’autres jeux proposent des features annexes. Par exemple, Bayonetta permet au joueur de s’entraîner avec son personnage pendant les temps de chargement. Idem pour FIFA.
Sauf que comme si ça ne suffisait pas, Hoppe précise que ce brevet a été donné un peu à la va-vite par l’USPTO (le bureau américain des brevets et des marques). Il explique que, normalement, pour être déposée, une idée doit remplir des conditions telles qu’être utile, être novatrice et ne pas être pas « évidente », dans l’idée qu’elle ne tombe pas sous le sens. Or des exemples de jeux auxiliaires existaient déjà avant Ridge Racer. Hoppe donne l’exemple d’Invade-a-Load, sorti en 1987 sur Commodore 64, qui proposait au joueur de jouer à un clone de Space Invaders pendant que le jeu chargeait. Quant à l’idée de proposer une activité au joueur dans ces temps morts comme un mini-jeu, l’idée est tellement évidente qu’on se demande vraiment comment l’USPTO a pu donner l’exclusivité à cette feature à Namco. Toutefois, il semblerait qu’il ne s’agisse pas d’un cas isolé, puisque SEGA a également pu déposer un brevet en 2001 sur le game system entier de Crazy Taxi. C’est pour cela que vous ne pourrez pas trouver d’équivalent du jeu dans les circuits normaux. Il est tout simplement interdit d’en faire pour l’instant.
Quelques jeux ont pourtant bravé le brevet abusif de Namco. Hoppe donne l’exemple du pas-très-connu-mais-franchement-ce-n’est-pas-grave Onechanbara sorti en 2009 sur Xbox 360. Ce beat them all en 3D proposait dans ses temps de chargement un petit mini-jeu pour patienter, sous la forme d’un petit beat them all en 2D. Malgré ça, Namco n’a pas lancé de procédure contre D3, l’éditeur. La première raison était que Namco était conscient que son brevet n’était pas tout à fait fiable pour les raisons exposées plus haut. Lancer une procédure judiciaire aurait donc été plus risqué qu’autre chose et aurait pu briser le statu quo autour du brevet en cas de défaite. La seconde était certainement que Namco avait des vues sur l’éditeur, qu’il a fini par racheter.
Donnons-nous maintenant rendez-vous dans quelques mois, au 28 novembre. On pourra s’assurer que le Namco arrête effectivement de nous faire perdre notre temps.
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