C’est un retour par la grande porte dans le monde du numérique via le ministère de la Culture. Exilée un temps au Commerce extérieur (à peine moins de 4 mois) après avoir emporté l’adhésion des acteurs du secteur au sein du ministère délégué à l’Économie numérique, Fleur Pellerin a donc été nommée ministre de la Culture et de la communication du gouvernement Valls 2 en lieu et place d’Aurélie Filippetti, démissionnaire, du moins « pas candidate ».
Réelle ou supposée, l’inimitié entre les deux jeunes femmes est connue et aurait pris corps lors de la campagne présidentielle de 2012. Fleur Pellerin, intronisée Madame numérique du camp Hollande, a eu l’outrecuidance de s’exprimer sur un sujet alors encore tabou : Hadopi. Sortie que n’a pas manqué de relever Aurélie Filippetti qui a alors rétorqué, sous forme de procès en légitimité : « Hadopi, c’est moi », qualifiant ainsi les propos de sa consœur « d’erreur ».
« C’est une inexpérience de sa part, la politique, c’est aussi une question d’expérience » jugeait la ministre d’alors.
Cette rivalité a fait les choux gras de la presse, notamment lors de cette mini polémique durant le Festival de Cannes. Selon les indiscrétions du Canard Enchainé, venue supporter le film Saint Laurent de Bertrand Bonello, en compétition officielle, Aurélie Filippetti aurait refusé que Fleur Pellerin (alors en déplacement pour promouvoir l’export des films français dans le monde en tant que secrétaire d’État chargée du Commerce extérieur, de la promotion du Tourisme et des Français de l’étranger) monte les marches avec elle, souffrant qu’on puisse lui fasse de l’ombre. Ce dont s’est défendue la jeune femme.
De même, en décembre 2013, Fleur Pellerin avait dû remplacer au pied levé Aurélie Filippetti qui n’avait pas souhaité « servir de caution à Google » lors de l’inauguration du nouveau Centre culturel de Google à Paris.
Depuis, l’Histoire a fait son œuvre – certains y voient surtout l’humour particulier de François Hollande – et les commentateurs de la vie politique n’ont pas manqué de pointer l’ironie au moment de la passation de pouvoirs. Persiflages qu’Aurélie Filippeti n’a pas goutés :
Même le jour de mon départ j'ai donc droit aux ragots infâmes sur les marches du festival de Cannes…Quelle misère… Tous mes vœux à Fleur
— Aurélie Filippetti (@aurelifil) 27 Août 2014
Souvent donnés en opposition (liberté numérique des uns contre protection des droits des autres notamment) la Culture et le Numérique se trouvent aujourd’hui représentés par la plus technophile des ministres qui aura à charge, au sein de la rue de Valois, d’entreprendre au mieux le virage de la révolution numérique.
Quoiqu’il en soit, Fleur Pellerin revient à ses « premières amours » et a du pain sur la planche, les dossiers ne manquent pas. Les déçus d’hier – entrepreneurs du secteur notamment – peuvent se réjouir de son retour et de la voir, avec ce ministère, reprendre certains dossiers épineux, si ce n’est explosifs : statuts des intermittents, Hadopi (téléchargement illégal, droit d’auteur, riposte graduée, CSA), Amazon (loi anti-amazon, guerre avec Hachette, numérisation des livres), Netflix, neutralité du net, etc. Le numérique est au cœur des préoccupations culturelles françaises.
Hadopi/CSA/projet de loi Création numérique
Le transfert des compétences entre la Hadopi et le CSA serait acté. Ce dernier qui se rêve gendarme du web en devenant le régulateur des contenus en ligne devra encore patienter, même à l’agonie, Hadopi respire encore.
Le CSA aura tout de même à charge d’appliquer la riposte graduée. En mai 2013, alors ministre déléguée au Numérique, Fleur Pellerin s’était exprimée sur cette fusion et le système d’amende « plus automatique » recommandé par le rapport Lescure :
Ce n’est quand même pas très liberticide. Ce qui a été proposé par le rapport Lescure, c’est plutôt de garder une forme de pédagogie, la réponse graduée […] de reprendre un peu le modèle des radars automatiques sur les autoroutes et d’avoir un système d’amendes beaucoup plus faibles en terme de montants.
Elle s’était par ailleurs réjouie de l’abandon de la peine de suppression de l’abonnement à Internet pour les contrevenants estimant que « couper internet c’est comme couper l’eau ».
La question qui demeure est désormais de savoir ce qu’il adviendra de la mal aimée Hadopi. Alors qu’Axelle Lemaire, secrétaire d’État au numérique, est toute trouvée pour s’occuper du dossier, celle-ci rechigne et ne souhaite pas récupérer la patate chaude.
« Je ne suis pas certaine qu’il faille étendre les pouvoirs du CSA à Internet. Ce sujet est traité par Aurélie Filippetti. Je considère que c’est à elle de s’en occuper. »
Fleur Pellerin sera-t-elle sur la même longueur d’onde que son successeur ?
Maintes fois reporté, le projet de loi Création numérique est toujours en chantier et se trouve récupéré par la nouvelle ministre. Dossier qui ne va pas être une sinécure.
Netflix
L’arrivée redoutée de cet acteur majeur a été l’objet de multiples tractations. Certains reprochant à Aurélie Filippetti ses manœuvres dans le dossier qui aurait poussé Netflix à s’installer au Luxembourg plutôt qu’en France, ravivant la polémique sur ces géants de l’Internet qui s’installent dans le Grand-Duché où la fiscalité y est plus qu’attractive.
Désormais, la partie chronologie des médias est entre les mains du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée). Si Netflix souhaite proposer des films français dans son catalogue, celui-ci devra contribuer aux financement de la production française. Chronologie des médias qui n’est pas un problème pour le patron du service de SVoD, puisque so catalogue se compose surtout de séries, non soumises à cette réglementation.
Neutralité du net
En 2012, Fleur Pellerin déclarait :
« La neutralité du Net est un concept américain, qui a tendance à favoriser très considérablement les intérêts économiques de Google, Facebook, Apple et consorts. Donc je pense qu’il faut faire aussi un peu attention, lorsqu’on est sur du principe théorique, à ne pas non plus se tirer une balle dans le pied. »
En 2013, alors ministre déléguée au Numérique, elle s’était positionnée concernant la fiscalité des GAFA (Google, Apple, Facebook ou Amazon) et elle affirmait vouloir légiférer sur la neutralité du net en présentant une loi garantissant ce principe d’ici 2014. C’est la bonne année donc. D’autant que sa consœur, en première ligne sur ce sujet, semble partager son opinion, elle qui se déclarait pour une neutralité du net “clairement affirmée ».
Un bon début puisque, sur les dossiers numériques, la nouvelle ministre de la Culture devra composer avec la secrétaire d’État au numérique (placée sous l’autorité du nouveau ministre de l’Économie, Emmanuel Macron) quand elle n’empiétera pas sur son pré-carré.
Pour l’état de grâce on repassera. Si les intermittents lui ont déjà mis la pression, d’autres s’alarment de la politique qui sera menée avec un budget en baisse constante, comme l’a signifié Aurélie Filippetti dans sa missive au Président Hollande peu après la démission du gouvernement Valls.
Pour aller plus loin sur les sujets web à venir pour le gouvernement (vu sur Pixels) : Valls 2, un gouvernement plus « digital » que numérique.
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Ca fleur bon l’article bien rédigé, et c’est plaisant !
le gouvernement ne devrait pas toucher à internet et aux nouvelles technologies, il devrait laisser ça à une commission COMPETENTE pas comme ces gens qui ne savent pas de quoi ils parlent…
Fleur Pellerin est une parvenu de première acoquinée aux grands patrons des SSII les plus libéraux et capitaliste que l’on peut faire sur la place numérique en France…
Ces grands patron de SSII qui ne voit en leurs employés que de la “ressource”….des viandards prêt à vous vendre pour n’importe quelles missions même si vous n’avez pas les compétence…
C’est marrant que l’on ne voit pas plus de sujet sur ce monde “bucolique” qu’est la SSII…
Parce que c’est bien sympa de vouloir de grande sociétés type Google ou Amazon en France…encore il faudrait pas payer ses employées au lance pierre…
Les actionnaires se gave pendant ce temps et Fleur Pellerin dîne et rigole avec ses “nouveaux” potes du CAC…
@ Fractal
Fleur Pellerin est le choix le moins pire
car elle au moins y comprend quel que chose
quand à ses choix politiques en la matière c’est autre chose.
Excellent choix pour “dépoussiérer” la culture et officialiser la France aussi dans la nouvelle culture numérique. Bonne chance !
Je ne sais qu’en penser, le siège ressemble tellement à un siège éjectable qu’on peut avoir des doutes sur la durée de sa mission.
Car au train où vont les choses dans 6 mois on aura une nouvelle tête puisqu’apparemment le jeu des chaises musicales prime sur les nécessités du pays et de ses citoyens, sans parler de notre image de marque à l’étranger.
Le mieux qu’elle puisse faire, c’est de ne s’occuper de rien, et de ne surtout pas s’occuper d’internet. Internet c’est le contraire de la France et de ses politiciens incompétents.
Je ne vais pas faire de commentaire sur le choix politique et la politique tout court.
Je veux juste appuyer le premier commentaire, un bon article, bien rédigé, que c’est agréable 😉
J’espère qu’il y en aura plus souvent 🙂
@ Fractal :
Stop, on arrête d’évaluer l’efficacité d’un système politique sur les personnes ou leur tempérament, mais plutôt sur leurs idéologies et les choses qu’elles mettent en place.
Avant de critiquer sur ds suppositions vaseuse, essaye de te renseigner sur ce qu’a déjà pu faire cette personne dans ce domaine, de connaitre son cursus, sa façon de penser, ce qu’elle envisage.
Et ENSUITE seulement, vient critiquer sur ce qui aura été appliqué.
Pas juste sur des “on dit que” ou des “oui mais y a une phrase qu’elle a sorti qui a rien à voir”. Je parle bien de regarder les choses dans la globalité, sans s’arrêter aux petits détails assassins que les médias ne peuvent s’empêcher de sortir du lot car ça fait vendre. Et faisant passer le coeur des décisions pour du “fait divers”.
Un bon article qui présente bien les choses, et bien rédigé, ça fait plaisir.
Quant à Fleur, même si elle n’est pas parfaite, je pense que c’est qu’on peut espérer de mieux pour le moment. Elle connaît les enjeux et l’importance du numérique vis à vis de la culture. Reste à savoir si Valls ne fera pas obstacle.
PAVE CESAR.
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Bon, analysons ce que dis Fractal.
“Fleur Pellerin est une parvenu de première acoquinée aux grands patrons des SSII les plus libéraux et capitaliste que l’on peut faire sur la place numérique en France…[…]”
Oui, mais non. Les SSII représentent la majorité de l’économie numérique, il est donc plutôt logique de la voir avec ces gars là. Serait-ce un vrai problème à tes yeux, ou t’avais juste besoin d’une raison pour cracher ta bile?
“Ces grands patron de SSII qui ne voit en leurs employés que de la « ressource »….des viandards prêt à vous vendre pour n’importe quelles missions même si vous n’avez pas les compétence…”
Oui, ça existe, comme toutes les sociétés de service (ce n’est pas qu’en informatique, ce problème…), mais elles sont vite remarquées (Alten est plutôt connu pour ça, par exemple). Pour un truc aussi important que le taf que tu va faire pendant des décennies, il faut savoir chercher sur le Net, et essayer de viser un boulot qui est dans une SSII suffisamment…saine.
“Parce que c’est bien sympa de vouloir de grande sociétés type Google ou Amazon en France…encore il faudrait pas payer ses employées au lance pierre…
Les actionnaires se gave pendant ce temps et Fleur Pellerin dîne et rigole avec ses « nouveaux » potes du CAC…”
Le salaire des employés est le cadet de ses soucis. Oui, les actionnaires s’en mettent plein les fouilles (c’est le principe de base du capitalisme), mais les salaires restent décents, une bonne chose au vu de la conjoncture actuelle en France (chômage qui explose, boîtes qui ferment…). En prime, si t’es mal payé, tu peux voir ailleurs, car les boîtes d’info recrutent souvent (regarde du côté de Dassault, de Thales,…).
Regarde les stats des cabinets de recrutement. Un dev débutant (littéralement, le mec qui sort de l’école), c’est déjà 33-40k selon son profil en IDF (j’ai été embauché à 36k il y a presque deux ans. Pour du Web.).
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Pellerin est l’une des rares personnes capables de ce gouvernement.
Elle veut garantir la neutralité du Net et essayer de flinguer Hadopi, vu que c’est désormais une coquille vide (pouvoir transféré au CSA, qui hérite de la possibilité de mettre une prune ridicule à la 3e interception, et les analyses de la Hadopi sont inutiles et tombent sous le sens pour des gens un minimum technophiles)…Ce qui est une bonne chose, économiser quelques millions sur le budget c’est toujours ça de pris.
Sans oublier la proposition de loi visant à améliorer la chronologie des médias (au lieu d’attendre 3 ans, seulement 2. Pas encore ça, mais c’est un pas dans la bonne direction), afin de commencer une lutte intelligente contre le DL illégal.
Ne jugez un politique que sur ses actions et son idéologie, pas sur des paroles chopées hors-contexte et reprises en boucle par les médias.
La nomination de Fleur Pellerin, ex ministre du numérique, est porteuse d’espoirs concernant les nouvelles pratiques littéraires. Espérons qu’elle aura le courage de dépasser les propositions ringardes de sa consoeur Filippetti qui, en faisant barrage à Amazon pour privilégier les gros éditeurs parisiens (qui n’ont rien à envier dans leurs pratiques commerciales et humaines aux grands trusts multinationaux), faisait barrage à la lecture, à l’écriture, à la culture tout court. Un très bon article sur le sujet « Les rentrées littéraires et Mme Filippetti, Ministre de la Culture et romancière », de Roberto Gac montre l’hypocrisie de Mme Filippetti qui se proclame « romancière », fière d’avoir été « faite » par un éditeur parisien.
Bon article, il faut le souligner. Mais il y a quand même un point fondamental que trop peu de personnes ne soulèvent :
Le numérique n’est pas qu’une question de culture. C’est l’avenir et c’est aussi une très grande partie de l’économie. Pour moi, il devrait avoir son propre ministère ou être rattaché à Bercy, pas à la culture… Ca montre à quel point les gens qui dirigent ce pays sont en retard avec le changement et le progrès… Et les dossiers épineux mentionnés sont du même acabit. Des solutions logiques il y a vingt ou trente ans mais qui n’ont plus rien en accord avec le monde actuel.
A quand un ministre non pas énarque et issue du copinage, mais expert dans son domaine avec les solutions qui vont pour?
Tiens, une idée pour le ministère de l’éduction : l’école des ministres, sur concours formés par des experts avec diplôme dans la branche.