Revenons sur deux cas du jeu vidéo qui ont marqué, ces derniers jours : Twitch Plays Pokémon et EVE, le jeu chiant le plus passionnant du monde. Pour faire rapide :
– Twitch Plays Pokémon est une expérience permettant aux membres de Twitch de jouer tous ensemble au jeu. On tape les instructions dans le chat (up, down, B, A, etc.) et la majorité l’emporte. D’un petit délire, #TPP est devenu un phénomène 100% Internet (vous pouvez retrouver tous les résumés jour après jour sur le site).
– EVE Online est un jeu de rôle massivement multijoueur se déroulant dans l’espace et complètement laissé à la charge des joueurs. Ce MMO est connu pour son côté extrêmement aride (le “Excel dans l’espace”). Et encore plus connu pour les histoires folles qui en découlent. Polygon a ainsi dressé un passionnant portrait du jeu et de ses joueurs.
L’enseignement de ces deux jeux ? Que la dictature (EVE), c’est beaucoup plus pratique que la démocratie (Pokémon).
Et plus sérieusement, l’autre enseignement, qui serpentait déjà dans nos esprits depuis un certain temps : le jeu vidéo est un art qui peut se consommer de manière passive, comme la littérature, le cinéma ou la télévision. Et que l’on ne consommerai pas en tant que joueur.
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Pokémon est un pan de la culture gaming que j’ai loupé et que je redécouvre via un stream et des articles. EVE Online est un jeu que j’adore suivre et auquel je détesterai jouer.
Il existe ainsi des jeux auxquels je n’aime pas jouer. Enfin, que je préfère regarder. Je ne parle pas d’Heavy Rain, mais bien de jeux vidéo “traditionnels”, que je prends plus de plaisir à consommer de manière passive qu’interactive et ce, pour les raisons suivantes :
- Narration générée par le jeu et l’expérience de jeu ;
- Le talent du joueur, permettant de transcender le jeu ;(eSport, speedrun)
- La culture autour du jeu, permettant de l’appréhender au delà de sa valeur originelle.
Voici mes jeux vidéo “passifs” favoris :
STARCRAFT II
C’est le premier jeu que j’ai plus considéré comme un programme sportif que comme un jeu. Je ne vais pas vous refaire l’histoire du stream et de l’eSport, mais ce qui est intéressant, c’est que si la partie vidéoludique du jeu m’a rapidement dépassé (aka “je suis nul” et “en plus je viens de passer ma souris à gauche, je suis paumé »), sa partie purement ludique a, quant à elle, grandi dans le même temps.
Si le jeu stagne dernièrement, il restera celui par lequel j’ai ouvert Twitch par réflexe comme on lance la télé pour avoir un bruit de fond.
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EVE ONLINE
Ce jeu est la preuve qu’une structure très exigeante (courbe d’apprentissage lente, ouverture totale) peut générer un terreau unique pour des histoires folles. Je lis régulièrement des petites news et des grandes histoires à son sujet, c’est vraiment l’un des jeux les plus passionnants de l’histoire à suivre, les plus arides à jouer.
Un banquier qui s’enfuit avec toutes les économies des joueurs, une bonne grosse bataille intergalactique à 300 000$, une Leeroy Jenkins… Pure. Gold.
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THE KING OF FIGHTERS
La difficulté de ce jeu de baston se pose en barrière claire, mais la beauté de son rythme le rend assez hypnotique à regarder. N’étant déjà pas spécialement doué en jeux de baston, j’ai réalisé dès KoF 95 que je n’aurai jamais le talent ni l’exécution pour tenir dans une arène du jeu SNK.
Je suis pourtant friand des streams de tournoi et de d’entrainements, tant KoF est télégénique, spectaculaire et ouvert jusqu’à la fin.
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BATTLEFIELD
Battlefield reste une sorte exception, puisque j’y joue. Mais ce jeu me fait poser un genou à terre pour les nombreuses vidéos postées sur Youtube, cherchant à relever des challenges rendus possibles par le terrain, le moteur physique et les nombreux engins. La structure “bac à sable”, quel bonheur quand elle se montre à la hauteur !
Le “GTA du FPS” dépasse ainsi sa condition de par les possibilités qu’il offre. Je regarde du Battlefield comme on regarde Video Gag : tu ris, tu enchaînes.
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LES SPEEDRUNS
L’un des ancêtres du “jeu vidéo passif” reste le SpeedRun, ou l’art de terminer jeu le plus rapidement possible, avec ou sans contraintes (terminer Resident Evil sans fusil à pompe), avec ou sans assistance de l’ordinateur.
Ici encore, la performance du joueur ou la manière de créer une distorsion dans le gameplay original créent un art dans l’art vidéo-ludique. Détail amusant : je prends plus de plaisir à suivre des Speedruns de jeux que je n’aime pas spécialement à la base. Voir Postal 2 ou Turok ainsi transformés m’enthousiasme au plus haut point.
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TWITCH PLAYS POKEMON
Comme dit ci-dessus, TPP explose les barrières du jeu et se consomme comme une expérience collective en direct et en temps réel. Que l’on participe à la conscience collective qui anime RED ou que l’on suive les aventures de cette conscience collective, qui tente de s’organiser pour dépasser le chaos du départ, tout est passionnant – et forcément créatif. Si vous voulez suivre le stream, c’est ici que ça se passe.
Depuis deux semaines, le web s’est emparé de #TPP et a produit des montagnes de contenus (fanarts, clones, dérivés) tous plus géniaux les uns que les autres. Le phénomène “Twitch Plays …” s’est évidemment répandu et un autre jeu se pliera tôt ou tard parfaitement à l’exercice. J’ai hâte.
Watch live video from TwitchPlaysPokemon on www.twitch.tv
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L’ESPORT
Parrain du genre, l’eSport incarne bien toute cette tendance. Étant depuis longtemps impliqué dans cette transformation athlétique du jeu vidéo, j’ai eu le privilège de voir le genre et ses disciplines évoluer et de devenir fou devant mon écran sur des jeux auxquels je ne joue jamais.
Nous nous retrouvons aussi régulièrement avec des amis pour se faire des soirées “EVO” ou “The International”. Pizzas, bières et “refaisage de match”, comme devant le foot. Le succès Barcraft tel que le Meltdown prouvent aussi l’attrait de l’eSport pour le spectateur.
On touche ici le syndrome des Jeux Olympiques : on aime plus la compétition que la discipline. De la même manière que l’on peut se passionner pour le curling ou le saut à la perche deux semaine tous les 4 ans, j’ai découvert et retrouvé avec plaisir Quake ou Shootmania chaque année à l’ESWC. Comme des amis que l’on ne voit pas souvent, mais que l’on retrouve avec plaisir pour un bon dîner.
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Cette nouvelle manière de consommer le jeu vidéo ne m’étonne finalement pas : depuis l’enfance, j’adore le football et pourtant, je déteste y jouer. Pas doué de mes pieds, pas endurant, pas porté sur les crampons dans les genoux. Mais fan du beau geste, des pressings étouffants, des réorientations gracieuses, de tout le mercato et les dramas. Et je pourrais dire la même chose du Basket et de la F1.
Le jeu vidéo étant un art interactif, il laisse beaucoup de place au talent et à la créativité. Mais nous n’avons pas tous la créativité ou le talent, ou même le temps de les travailler. Il me paraît donc logique et inévitable que nous allons de plus en plus consommer de manière passive, comme un film, un livre ou une série télé.
Nous continuerons bien sûr de jouer aux jeux vidéo et d’en retirer un immense plaisir. Mais tant de ses nouvelles dimensions, disciplines et délires nous échapperons que notre meilleur moyen d’y participer sera de simplement poser la manette et admirer. Passifs et heureux.
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