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Discours d’Obama/NSA : le changement c’est pas maintenant !

Depuis juin 2013 et les premières révélations d’Edward Snowden sur l’ampleur de l’espionnage perpétré par la NSA pour le compte du gouvernement américain, 7 mois se…

Depuis juin 2013 et les premières révélations d’Edward Snowden sur l’ampleur de l’espionnage perpétré par la NSA pour le compte du gouvernement américain, 7 mois se sont écoulés et autant de découvertes sujettes à polémiques sur les intrusions massives de la NSA dans la vie privée des citoyens du monde entiers mais également des entreprises, gouvernements et leaders mondiaux.

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Une catastrophe diplomatique à l’échelle planétaire, les États-Unis se devaient de réagir pour clarifier, rassurer, justifier voire modifier certaines de ces pratiques incriminées. C’est par la voix de son président que les États-Unis ont entrepris d’éteindre l’incendie. Ce discours était donc particulièrement attendu bien qu’aucune réelle remise en cause du système n’était véritablement espérée.

Et pour cause : Barack Obama a certes concédé que le programme d’espionnage mis en œuvre depuis le 11 septembre s’était fait à grande échelle et sans véritables garde-fous

les critiques ont raison de dire que sans garde-fous appropriés, ce genre de programme pourrait être utilisé pour obtenir davantage de renseignements sur nos vies privées, et ouvrir la voie à des programmes de collecte plus indiscrets

Il s’est donc engagé à présenter une nouvelle « directive présidentielle » censée garantir transparence et protection de la vie privée. Néanmoins, beaucoup sont restés sur leur faim tant certaines questions sont restées sans réponses et ce discours semble dire : on va arranger la forme pour satisfaire à quelques revendications mais on ne changera rien sur le fond. En filigrane, une véritable ode à la NSA transparaît.

Passé, présent futur

Le 11 septembre a changé le paradigme prégnant, le nouveau paradigme qu’il a mis en place suggère que de « vrais ennemis et menaces » sont présents partout avec des moyens technologiques importants ; pour « empêcher des attaques terroristes ou des cyber-menaces »  les services de renseignement jouent un « rôle essentiel », cette lutte ne peut se faire sans une certaine capacité à « pénétrer des communications numériques ».

L’impératif de sécurité national prime.

Métadonnées

La première à avoir émergé et la plus polémique de toutes les révélations. La récolte massive de métadonnées (qui appelle qui, quand, où, combien de temps sans le nom ou le contenu de la conversation) se poursuivra :

Etre capable d’examiner les connexions téléphoniques pour établir si un réseau existe est crucial

Néanmoins, la conservation de ces données ne sera plus du ressort de la NSA (et donc du gouvernement)

Je donne l’ordre d’une transition qui mettra fin au programme de collecte en masse des métadonnées tel qu’il existe aujourd’hui aux termes de la section 215 [du Patriot Act], et qui établira un mécanisme qui préserve les capacités dont nous avons besoin, sans que le gouvernement détienne ces métadonnées

Qui conservera ces données ? Opérateurs (qui ne se sont pas montrés très enclins à récupérer cette patate chaude), FAI, organisme indépendant ? C’est le Congrès qui devra le déterminer lors de la réautorisation de l’article 215 du Patriot Act le 28 mars prochain.

Par ailleurs, l’accès à ces métadonnées sera réglementé. Durant cette période de transition (jusqu’au 28 mars), les agents de la NSA ne pourront questionner la base de données qu’après une « décision judiciaire », rendue par le Procureur général en lien avec le Tribunal de surveillance du renseignement extérieur (FISC), ou une véritable urgence. Les agents de la NSA devront également se limiter à deux degrés de séparation dans leurs recherches de suspects lors de l’analyse de la base de données, contre trois actuellement.

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Citoyens américains et étrangers

Lorsqu’il tente de rassurer, justifier et clarifier, Barack Obama s’adresse surtout aux citoyens américains :

Je fais ces observations pour souligner que les valeurs fondamentales de la plupart des américains quand il s’agit de questions de surveillance et de vie privée convergent bien davantage que les caractérisations brutes qui ont émergé depuis plusieurs mois [les révélations et polémiques en tout genre, ndlr]. Ceux qui sont préoccupés par les programmes existants ne sont pas intéressés par une répétition du 11 septembre, et ceux qui défendent ces programmes ne méprisent pas les libertés civiles

Il s’appuie énormément sur cette date tragique, et fait vibrer la fibre patriotique en réveillant la nation toute puissante qui doit se protéger d’une menace extérieure mais peut-être aussi intérieure. En tant qu’« unique super puissance mondiale », les États-Unis ont un devoir envers le reste du monde : ils se doivent de détenir les moyens de leurs ambition.

Nos capacités aident à protéger non seulement notre propre nation mais également nos amis et alliés. Nos efforts seront efficaces uniquement si les citoyens d’autres pays ont confiance dans le fait que les États-Unis respectent également leur vie privée

En ce sens, le président Obama a demandé que la protection juridique couvrant les citoyens américains soit étendue aux citoyens étrangers. Le Procureur général devra ensuite définir la durée pendant laquelle ces données pourront être conservées et les restrictions éventuelles quant à leur utilisation.

Gouvernements et leaders étrangers

Les révélations sur l’espionnage des dirigeants étrangers avaient fortement heurté le Brésil, l’Espagne mais également l’Allemagne et sa chancelière, Angela Merkel, qui a peu apprécié de voir son téléphone personnel mis sur écoute.

Les dirigeants des pays amis et alliés doivent savoir que si je veux connaître leur point de vue sur une question, je décrocherai mon téléphone et je les appellerai, plutôt que d’avoir recours à la surveillance […] J’ai été très clair vis-à-vis de la communauté du renseignement : à moins que notre sécurité nationale ne soit en jeu, nous n’espionnerons plus les communications des dirigeants de nos alliés proches et de nos amis

Pour les autres c’est une autre histoire.

Vie privée sur Internet : Facebook, Yahoo, Google etc.

L’une des révélations qui avait fait couler beaucoup d’encre fait partie de l’article 702 du FISA Amendments Act dont le programme PRISM (supervisé par le FISC) fait partie. Ce dernier permet à la NSA de surveiller les communications étrangères hors du territoire américain. Pour autant, Obama ne s’est pas attardé sur la question, tout juste a t-il assuré que des « protections supplémentaires » seraient mises en place en lien avec le Procureur général et le DNI (Director of National Intelligence).

Lorsque l’affaire a éclaté au grand jour, la polémique avait éclaboussé Google, Yahoo et autres géants du web accusés de laisser des backdoors ouvertes à la NSA ou de leur fournir des informations sur leurs utilisateurs (obligation rendue notamment possible par les Lettres Nationales de Sécurité). Ces derniers, ayant peur de perdre la confiance de leurs clients avaient répliqué dans une lettre ouverte réclamant une « réforme des pratiques de surveillance des États-Unis ».

Retour à l’envoyeur

Il a été reconnu par tous ceux qui ont participé à ces discussions que les défis concernant notre vie privée ne viennent pas uniquement du gouvernement. Des entreprises de toutes formes et de toutes tailles, traquent ce que vous achetez, stockent et analysent vos données et les utilisent à des fins commerciales

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Lettres de sécurité nationale

Lorsque le FBI enquête sur des menaces, ces lettres de sécurité nationale leur permettent d’exiger de certaines sociétés (généralement liées à Internet) de fournir des informations spécifiques. En plein scandale PRISM, Google avait demandé la permission à la FISC de publier le nombre de requêtes reçues par la NSA, permettant de révéler l’ampleur de la pratique mais surtout le fait qu’ils y sont contraints.

Ces lettres ne seront pas supprimées. Comme le reste, des garde-fous seront mis en place et le secret entourant ces demandes ne sera plus « indéfini » et comprises dans un délai imparti.

Les fournisseurs de télécommunications quant à eux ne seront plus tenus au secret concernant ces demandes, ce qui devrait les satisfaire.

La sécurité nationale comme philosophie politique de surveillance

Comme la clairement exprimé Barack Obama tout au long de son discours :

Nous ne pouvons pas désarmer unilatéralement nos agences de renseignement. Nous savons que les services de renseignement d’autres pays – y compris ceux qui simulent la surprise concernant les révélations de Snowden – sondent constamment nos réseaux gouvernementaux et privés, et font de leur mieux pour écouter nos conversations, intercepter nos emails ou pour compromettre nos systèmes. En attendant, un certain nombre de pays, y compris ceux qui ont fortement critiqué la NSA, reconnaissent en privé que l’Amérique a des responsabilités spéciales en tant qu’unique superpuissance mondiale ; nos capacités sont essentielles pour assumer ces responsabilités

Par ailleurs, il tient à préciser que la nouvelle directive présidentielle précise que les États-Unis recueillent des données électromagnétiques à des fins « légitimes » de sécurité nationale : « nous ne rassemblons pas de renseignements pour fournir un avantage compétitif aux sociétés américaines, ou des secteurs commerciaux des États-Unis ». Certains doutent franchement de cette dernière vérité.

« J’ai dit clairement à la communauté du renseignement que – à moins qu’il y ait un but de sécurité nationale impérieux – nous ne surveillerons plus les communications des chefs d’États et de gouvernement de nos amis et alliés » et il prévoit « d’approfondir [leur] coordination et coopération » afin de rétablir une confiance légèrement élimée…

Des impératifs de sécurité nationale donc qu’il énumère ainsi : “contre-renseignement ; anti-terrorisme ; contre-prolifération ; cyber-sécurité ; protection des forces pour nous et nos alliés ; combat du crime transnational, y compris le contournement des sanctions. » Avec des contours aussi larges que flous, la récolte aux informations risque de l’être tout autant.

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Le coup de grâce clôture son discours et résume bien la philosophie des États-Unis en matière d’espionnage :

“Maintenant laissez-moi être clair : nos agences de renseignement continueront à réunir des informations sur les intentions des gouvernements à travers le monde” comme le font tous les autres pays

Nous n’allons pas nous excuser simplement parce que nos services sont peut-être plus efficaces

Néanmoins,  il donne des gages comme autant de garde-fous en assurant que les États avec qui ils collaborent « devraient être confiants » sur la manière dont ils les traitent. Le Département d’Etat nommera un officier supérieur chargé de coordonner la diplomatie sur les questions liées au renseignement d’origine électromagnétique et un haut fonctionnaire à la Maison Blanche sera nommé afin d’appliquer les nouvelles sauvegardes de la vie privée annoncées.

À ceux qui se poserait des questions sur ces pratiques pour le moins intrusives, Obama leur répond qu’« en tant que nation qui a développé Internet, le monde s’attend à ce que nous nous assurions que la révolution numérique fonctionne comme un outil  de liberté pour l’individu plutôt qu’un outil de contrôle du gouvernement ». Il en profite au passage pour tacler Russes et Chinois :

Personne ne s’attend à ce que la Chine ait une discussion ouverte au sujet de leurs programmes de surveillance, ou que la Russie prenne en considération les problèmes de vie privée de ses citoyens

Le président Obama devrait pourtant savoir qu’il a un allié en la personne de Poutine concernant l’espionnage que son pays pratique…

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Edward Snowden, traître ou héros ?

Prétextant qu’une enquête a été ouverte et qu’il ne souhaite pas s’attarder sur « ses actions et motivations » Barack Obama a fait mine d’éluder la question et de ne pas se prononcer alors que ses paroles trahissent son ressentiment. Sans le whistleblower, aujourd’hui réfugié en Russie, ce discours n’aurait peut-être jamais vu le jour.

Je dirais que la défense de notre nation dépend en partie de la fidélité de ceux auxquels nous avons confiés les secrets de notre nation. Si toute personne qui s’oppose à la politique du gouvernement peut prendre [ces secrets] dans ses mains et divulguer publiquement des informations classifiées, alors nous ne serons jamais en mesure de garder notre peuple en sécurité, ou de conduire une politique étrangère.

En outre, la manière sensationnelle avec laquelle ces informations sont sortis a plus jeter de l’huile sur le feu qu’apporter une lumière sur des faits, tout en révélant à nos adversaires des méthodes qui pourraient influer sur nos opérations de façon que nous pourrions bien ne pas comprendre avant des années

À la question : traître ou héros ? qui apparaît depuis le début de l’enquête, Barack Obama ne semble pas tergiverser sur la question…

 

Comme l’analyse très justement Le Monde, dans leur lutte contre le terrorisme, la mise sous surveillance de toute la planète se trouve justifiée. Cependant, les documents de la NSA dévoilés par Snowden montrent que cet espionnage sert prioritairement les intérêts des États-Unis dans une “guerre économique, diplomatique et politique.” Plus que des impératifs de sécurité nationale, c’est son “influence dans le monde” qui est en jeu.

 

Le discours intégral de Barack Obama sur le programme de surveillance de la NSA en VO

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6 commentaires
  1. Bonne synthèse cet article. Merci. J’en profite pour copier coller mon commentaire d’un autre article:

    Sinon, vous pouvez poser vos questions sur Twitter avec le Hashtag #AskSnowden et Edward Snowden y répondra ce soir à 21h (8pm GMT) sur le site http://www.freesnowden.is/asksnowden/
    Un peu de com’ pour un truc aussi important ça fait pas de mal 😉

  2. Un bon discours sécuritaire, mais avant tout destiné aux américains, dans la grande tradition du “je m’en foustisme des autres”.

    Sauf que, et j’espère qu’il va y avoir des contestations dans ce sens :
    – Les Etats Unis n’ont absolument pas de “devoirs” envers le reste du monde. Il faut bien comprendre que si il est vrai que ce sont eux qui ont inventé internet, il font tout pour en garder le contrôle, notamment sur le fait que les institutions qui les régissent doivent être américaine (par loi fédérale).
    – Le “sécurité nationale ne soit en jeu” me fait rire, tant ce n’est que du vent. Il y aura toujours une raison, plus ou moins foireuse, qui colleront. Et même si je peux comprendre de surveiller certains gouvernement (et non pas dirigeant), en particulier ceux disposant d’une force de frappe et semblant particulièrement instable ou hostile, l’espionnage d’alliés ayant un gouvernement démocratique limitant le pouvoir est complètement injustifiable.
    – L’espionnage a but non lucratif / commercial, la c’est carrément du foutage de gueule : déjà je ne vois comment le pays ayant le plus de lobbyiste au monde pourrait préserver ses renseignements des dit lobbyistes, ensuite je ne vois pas d’autre raison d’espionner l’Allemagne.
    – concernant les impératifs de sécurité nationale : “contre-renseignement ; anti-terrorisme ; cyber-sécurité ; protection des forces pour nous” => OK
    “contre-prolifération” => OK, même si je pense que cela doit dépendre d’une entité extra nationale.
    “[protection des forces pour] nos alliés” => Eh non, pas du tout, cela dépends de chaque allié, à la limite ce serai du partage d’info, mais absolument pas d’exploitation. Or le partage d’info venant d’eux, c’est pas gagné.
    “combat du crime transnational, y compris le contournement des sanctions.” => Alors là non, non et encore non, c’est du ressort de la justice, pas de l’exécutif. Séparation du pouvoir, tout ça.
    – L’écart sur la Chine et la Russie est juste pitoyable : “Non mais, y a pire ailleurs. Bon on fait pareil qu’eux, mais on veut bien en parler, maintenant que quelqu’un a tout révélé”
    – Au final, on peut distinguer deux mesures :
    1) la mise en place de “garde-fous”, mais on ne sait pas qui, quoi, ou, quand et comment …
    2) La conservation des données, ce qui pour qui connait un peu les SI coute très cher, autant le filer à d’autres en le tournant comme un concession, d’une pierre 2 coups.

    Bref, on qualifie les français d’orgueilleux, mais la je crois que Mr Obama a mis la barre très haut

  3. @Melendril : +1
    Par ailleurs, je rajouterai que M. Obama dit “oui on le fait, mais tout le monde le fait, alors ne nous blamez pas”, la différence étant que par le Patriot Act ils le font encore plus facilement… Là où nous devons nous battre pour obtenir une info cruciale, il leur suffit de taper à la porte de Google ou de Facebook pour obtenir cette même info… et imaginons pourquoi pas que cette info “cruciales” pour les USA soit de connaître le nom et l’adresse de M. Truc qui a dit un truc pas gentil sur petit M. Obama ? On fait quoi ? “écoutez M. Google, vous devez nous donner ces infos c’est un terroriste et vous ne pouvez pas vous y opposer !”
    Les USA ont clairement pas de leçons à donner (leur passé le prouve bien) et aucun droit sur les autres pays (“l’unique superpuissance”), chaque pays devrait assurer sa propre sécurité et communiquer aux autres des documents prouvant lorsqu’un ressortissant de son pays veut s’en prendre à une autre nation, et c’est tout. On ne vient pas se servir, on demande si on peut nous donner.
    Surtout que grâce à ces intrusions, certaines données confidentielles, comme le lieu où se trouvent les armes nucléaires (pour les pays autorisés), ne le sont plus pour tout le monde…

  4. Vous êtes marron vous, comme si Obama pouvait changer une système mis en place depuis des décennies,déjà qu’il a du mal avec les républicain

  5. @dg_steph le président peut décider du jour au lendemain de limoger le chef de la CIA, comme tout les officiels des agences gouvernementales, sans compte à rendre au Sénat.

    En revanche, il lui faut la majorité du Sénat pour mettre quelqu’un d’autre à la place

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