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[Chronique] Pourquoi la Wii U est un flop, et comment Nintendo peut-il redresser la barre ?

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Déjà un mois que nous avons officiellement basculé dans le futur grâce aux efforts conjugués de la PS4 et de la Xbox One. Pourtant, cette «…

Déjà un mois que nous avons officiellement basculé dans le futur grâce aux efforts conjugués de la PS4 et de la Xbox One. Pourtant, cette « 8 ème génération » est déjà vieille d’un an, la faute à la Wii U. Joyeux anniversaire alors ? Pas vraiment, et pour tout vous dire, on prend déjà les paris pour savoir si la console passera l’hiver prochain…

« Pour toi public »
« Pour toi public »

Un an déjà que Nintendo a asséné le coup de grâce à sa Wii, la gagnante incontestable de la génération précédente sur tous les tableaux. Non pas en sortant la Wii Mini (bande de mauvaises langues) mais grâce à la Wii U, une version HD de la bête dotée d’une manette révolutionnaire. Tellement révolutionnaire que même chez Nintendo on ose à peine l’exploiter depuis le très complet Nintendo Land, celui-là même qui nous offrait un aperçu convaincant du gameplay asymétrique et un retour au multijoueur fauteuil des plus agréables. Sans s’attendre au succès faramineux de sa grande soeur, on était tout de même en mesure de lui prévoir un avenir plutôt radieux, soutenue par une ludothèque et une réputation solides, lovée dans cette façon si admirable de penser le jeu vidéo à contre-courant. La réalité a vite fait de nous rattraper, entre chiffres décevants, public évanescent et jouabilité au Gamepad boudé. On en est venu à se poser une question toute bête : qu’est-ce qui cloche avec la Wii U, au fond ?

1) Hé non, la Wii U n’est pas (qu’)une Wii HD

Dès son arrivée en 2006, la jouabilité à la Wiimote a ouvert un gouffre qui a permis au jeu vidéo de s’intégrer dans les foyers, de devenir l’instant rire et détente des soirées mondaines. Une console appréciée pour amuser la galerie une poignée de minutes, puis basta. Vous le constatez sept ans plus tard face à vos hôtes, dans l’échange de regards gênés après avoir constaté la présence du bloc blanc sous le téléviseur. Les regards s’évitent pour le restant de la soirée si vous avez aussi remarqué le Balance Board poussiéreux.

Difficile pour le chalant de ne pas avoir l’impression de repasser à la caisse pour une simple mise à jour hardware, les courbes arrondies et un « U » très commercial en prime. Alors que la Wiimote transmettait des valeurs simples, compréhensibles instantanément, les choses sont loin d’être aussi évidentes avec le Gamepad, qui rebute à première vue et demande obligatoirement un temps d’adaptation.

Dans ce contexte, mission impossible pour Nintendo de redemander à ces mêmes joueurs du dimanche de lâcher à nouveau quelques deniers pour un produit quasi similaire. La blessure n’a pas encore bien cicatrisé. Laissons-les tranquille. Ou offrons-leur une Wii U à l’improviste, et attendons leurs réactions.

« Non merci, j'ai déjà une Wii ! »
« Non merci, j’ai déjà une Wii ! »

2) En fait les gens n’ont pas bien compris qu’il s’agit une console

Le premier Noël de la Wii U a été marqué par une incompréhension totale au moment de choisir la nouvelle console du petit dernier. Un tour sur les stands de démonstration suffisait pour s’en rendre compte. En cause, ce Gamepad, à mi-chemin entre un jouet Playskool et une grosse PSP. Shelly Pearce, directrice marketing chez Nintendo UK le confesse quelques mois plus tard : « Il y a eu un énorme malentendu au lancement sur ce que la Wii U est en réalité ». Un malentendu dû au double discours avec la Wii, mais surtout, à cause des possibilités sous-entendues par le Gamepad. Est-ce une nouvelle manette pour l’ancienne Wii ? Est-ce une console portable ? Une tablette ? Faux, faux et faux.

Pour Stephen Totilo (Kotaku), on peut toujours s'arranger...
Quoique pour Stephen Totilo (pensionnaire chez Kotaku), on peut toujours s’arranger…

Passées les réponses décourageantes, on entre dans le vif du sujet. Le Gamepad est une manette d’un nouveau genre qui demande un peu plus d’implication de la part du joueur, et une démonstration manette en main pour en saisir toutes ses finesses. Malgré son aspect exagérément gnan-gnan, Nintendo Land reste l’ambassadeur parfait pour convaincre quiconque de l’ingéniosité de cette nouvelle manette, surtout en multijoueur. Quelques secondes suffisent pour comprendre qu’il faut échapper à ses poursuivants dans un labyrinthe coloré ou prendre en chasse quelques aventuriers téméraires perdus dans un manoir.

Mais ça, papa et maman s’en foutent. Ce qu’ils veulent c’est comprendre pourquoi on tient tant à leur vendre une nouvelle manette pour 300 euros (ils insistent). La réponse est loin d’être évidente pour ces possesseurs (malgré eux) de la Wii, justement parce que cette dernière, dans sa tombe, vient court-circuiter le discours marketing. Ce n’est pas une Wii, c’est une nouvelle console (qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau), mais vous pouvez (devez) réunir le matériel de votre ancienne console pour en profiter pleinement. Même si la rétro-compatibilité matérielle et logicielle reste une bonne nouvelle pour le porte-monnaie, sur le moment, on peut se sentir un peu largué.

3) Nan sérieux, j’achète quoi quand j’achète une Wii U en fait ?

Le problème majeur de Nintendo depuis la présentation de la bête à l’E3 2011 n’a pas changé : justifier la plus value apportée par cette nouvelle manette avec des jeux conçus exclusivement à cet usage. Avec le gameplay asymétrique, Nintendo Land parle directement aux joueurs qui s’y essaient pour la première fois. Les éclats de rires consécutifs sur Mario Chase le confirmaient sur le stand Nintendo, on tenait quelque chose. Des étoiles pleins les yeux, on fantasme très vite sur le champ des possibles offert par cette nouvelle façon de penser l’interaction écran/manette/joueur. Seulement, pour comprendre, il faut l’essayer, il faut être sur place. Tenter d’expliquer son concept en quelques mots, à froid, s’avère périlleux, voire catastrophique comme en atteste le taulé boursier qui a suivi la conférence. Fatalement, la Wii U amuse sur le moment mais passe le reste de son temps à interloquer le joueur. Justifier l’intérêt de la Wii U reste toujours le problème majeur de la firme. Et au-delà de Nintendo Land et Wii Party U, les exemples ne se sont pas bousculés pour légitimer cette imposante manette.

L'ambassadeur Nintendo Land a disparu au profit d'un Mario Kart dont on ne sait quasiment rien
L’ambassadeur Nintendo Land a disparu au profit d’un Mario Kart dont on ne sait quasiment rien

À force de changer son fusil d’épaule, Nintendo effraie autant les potentiels acheteurs que les early adopters. Pourtant 2014 sera une année faste en termes de softs de qualité, et tout est déjà parfaitement millimétré. Dans l’ordre nous aurons Wii Fit U en janvier, Donkey Kong : Tropical Freeze en février, Mario Kart 8 au printemps, puis Smash Bros et Yarn Yoshi un peu plus tard. Sans oublier Zelda HD, de plus en plus proche de nos corps prêts depuis tant d’années. Des jeux qui seront sûrement très agréables et qui ajouteront sans l’ombre d’un doute une nouvelle pierre à l’édifice Nintendo. Problème, à aucun moment ces jeux semblent justifier de se procurer une Wii U pour son Gamepad, son écran ou son gameplay asymétrique. Tous, sans exception, sont conçus avant tout pour être des versions améliorées des moutures précédentes avant d’être pensés pour la console sur laquelle ils voient le jour. Pire, il serait même préférable que les développeurs s’en tiennent à deux, trois gimmicks amusants (à l’instar de Super Mario 3D World) pour reproduire une expérience dans la lignée des versions précédentes sans en chambouler les fondements.

4) Le malaise des éditeurs tiers

Saviez-vous que FIFA 14 sort sur PS2, PS3, PS4 mais pas sur Wii U ? Vous avez bien lu, le dernier FIFA sort sur une console vieille de deux générations mais loupe pour la première fois depuis des années une sortie sur console de salon Nintendo. Le facepalm infini s’empare de vous et, à bien y réfléchir, ce n’est pas SI choquant. La raison officielle avancée par EA reste la plus classique : la Wii U ne se vend pas assez, donc salut. Ou plutôt, il s’agit de feindre la surprise en constatant que le portage paresseux de FIFA 13 (amputée des nouveautés par rapport à la concurrence) a fait un gros bide. Maintenant la vraie raison : EA (et les éditeurs tiers d’une manière générale) n’ont plus de temps à perdre à réfléchir à des concepts uniquement valables pour la console de Nintendo. Nous avons évoqué plus haut le découragement du joueur face à une façon de penser marginale, un changement de position qui relève parfois de la schizophrénie, nous pourrions évoquer sans problème ce même découragement à l’échelle de l’éditeur.

C’est triste comme dans un épisode des Feux de l’Amour, alors qu’il n’y a pas si longtemps les promesses étaient tout autres, dans l’effervescence des conférences E3.

Le problème de la Wii U est proportionnel aux idées géniales (et latentes) de son Gamepad. L’objet, plus imposant qu’il n’y parait, force le progrès et met une pression telle qu’un portage – graphiquement identique ou supérieur aux consoles d’à côté – passe d’emblée pour un jeu sous-exploité. Il suffit de jeter un oeil sur les portages de Assassin’s Creed III ou de Batman : Arkham City, deux des jeux du line-up. Regarder la map sur l’écran du Gamepad ou contrôler un Batarang au gyroscope, on est d’accord, il n’y pas de quoi succomber à ces versions en particulier. Alors craquer pour une Wii U

Ok, ça allège l'écran de jeu. Mais pas de quoi crier au génie non plus.
Ok, ça allège l’écran de jeu. Pas de quoi crier au génie non plus.

Pour être efficace, le Gamepad demande de se concentrer sur une façon de faire exclusive avant de réfléchir à des idées déclinables sur x supports. Même les gros éditeurs tiers – les poches bien remplies, les yeux rivés sur les statistiques – ne peuvent plus se permettre cette prise de risque. Ce moment gênant où l’innovation et la rentabilité entrent en conflit direct, et vous connaissez la suite.

Sans cet effort consenti de la part de l’éditeur tiers, deux situations se dessinent :

– le jeu sort sur toutes plates-formes, c’est cool, mais rien ne justifie vraiment de s’attarder sur l’utilisation du Gamepad

– le jeu exploite le Gamepad et concentre son énergie sur une lecture unique du jeu, prenant le risque de sortir sur une machine esseulée

Ne cherchez pas, ce dernier schéma n’existe pas, pas même du côté des développeurs indépendants qu’on imagine plus à l’aise avec ce genre d’objet créatif.

Le vilain buzz autour de la version Wii U de Rayman Legends reste l’exemple le plus marquant. Yves Guillemot aura beau s’excuser avec son plus bel accent pour rassurer les joueurs, le fait est que le vent a tourné ; la Wii U et ses ventes en demie-teinte ne justifiaient plus de maintenir une exclusivité casse-gueule pour l’éditeur. Le doigt d’honneur adressé aux early adopters en repoussant la version Wii U (finie en urgence et prête depuis le mois de février) n’était pas des plus élégants, mais rien de gênant, du moment que toutes les versions sont placées sur le même pied d’égalité, quitte à ce que la jouabilité au Gamepad devienne juste un gimmick sympa pour occuper le cinquième joueur, sans plus. C’est pas faute d’avoir essayé de proposer quelque chose d’unique avec Zombi U pourtant.

5) Que doit faire la Wii U pour redresser la barre ?

Nous en parlions déjà par ici, mais selon nous, pour que la Wii U fonctionne, il faut plus de prises de risque de la part de Nintendo. Et cela passe par une console forte, fédératrice, qui ne brouille pas constamment son joueur et les éditeurs tiers. Pour que le Gamepad fonctionne et se pose comme un indispensable, la Wii U doit surfer sur les grands courants du jeu vidéo moderne : développement de jeux massivement multijoueurs, plate-forme en ligne complète et bien pensée et racolage à outrance des indépendants. Les fondations solides d’une console HD alliées à un usage moins fréquent mais plus réfléchi du Gamepad.

On ne serait pas contre de vraies surprises piochées dans le catalogue de Nintendo. On pense tous très très fort à F-Zero, sans oublier Metroid, Kid Icarus ou Starfox. Des IP qui ont connu des destins bien différents en passant dans les mains de différents développeurs, et qui ont tout à gagner en passant en HD. Au moins pour le joueur, qu’il respire un peu dans cette avalanche de Mario à toutes les sauces.

ON A DIT UN VRAI F-ZERO !
ON A DIT UN VRAI F-ZERO !

Une nouvelle version de la Wii U ? Une refonte physique de la bête dotée d’un nouveau Gamepad avec un écran de meilleur facture et d’une durée de vie plus conséquente ? Un Gamepad qui pourrait être commercialisé avec une nouvelle version de la Wii U, ou séparément, agrémenté de jeux tirant parti de cette fameuse jouabilité à deux Gamepad que Nintendo nous promet depuis un moment ? L’idée peut paraître folle, elle l’est, mais Nintendo ne recule devant rien pour vendre en déclinant sa gamme de produit à l’infini (déjà 7 occurrences de « DS » à ce jour).

Dans la foulée, un nouveau firmware ne serait pas un luxe. Avec une refonte de l’e-shop, du Miiverse, histoire de donner à la vitrine online de Nintendo un réel impact et à l’identité virtuelle du joueur plus de consistance, à l’image d’un profil Gamertag ou PSN précis, sans fioritures.

La Wii U trouvera son public, c’est certain. Un public composé de nostalgiques, prêts à céder au retour de licences légendaires (un vrai Mario, un vrai Zelda). Un public jeune qui découvre Nintendo et la 3DS, qui craquera par extension pour les mêmes licences dans le salon. Un public éduqué par la Wii et la DS et cette volée de jeux casu rééquilibrés pour l’occasion, qui (re)découvre le jeu vidéo, simplement, pas à pas. Comme la Gamecube et la Wii, la Wii U va mettre du temps avant d’avoir des jeux à elles, de la trempe d’un F-Zero GX ou d’un Madworld. Il suffit juste de ne pas se décourager, de faire preuve de patience et de modestie face à des jeux et des consoles (forcément) moins surprenants qu’il y a 15 ans. Et faire confiance au savoir-faire de Nintendo qui a toujours mis un temps fou pour déployer tout son génie.

See ya
See ya

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