Dans quelques jours, Playstation 4 et Xbox One – les deux nouvelles consoles « vraiment-next-gen-on-vous-jure-que-c’est-vrai-cette-fois » – s’apprêtent à nous régaler d’un formidable bain de sang et de dollars. À peine une semaine d’écart entre les deux lancements, un tout petit mois avant Noël : pour une fois, le terme « guerre des consoles » n’est pas galvaudé. De mémoire, le dernier rapprochement de la sorte remonte à l’époque du duel PS One / Saturn, à peine deux mois se dressaient entre les sorties des deux machines sur le territoire européen.
Sans surprises, l’heure est plus que jamais à la comparaison des deux bêtes. On passe minutieusement tout en détails, des specs de la carte graphique à la taille du cordon d’alimentation, sans oublier l’argument suprême censé mettre un point final à toutes les discussions : l’imparable liste des jeux du lancement. La logique voudrait que cet argument se suffise à lui-même et achève le débat. Alors qu’en fait, patatra, c’est bien là que réside le nœud du problème. La faute à des jeux qui ne reflètent pas franchement le fossé des générations, ni l’excitation censée accompagner le passage de flambeau…
– C’est vrai ça, à quoi ça sert un line-up ?
Dans les faits, le line-up doit justifier le jour J l’achat de telle ou telle console. Les constructeurs rivalisent d’ingéniosité pour nous faire craquer, quitte à jouer avec nos petits cœurs de gamers, en créant des fenêtres de lancement étalées sur plusieurs mois ou en namedroppant systématiquement à chaque conférence une liste des jeux supposés arriver « un jour ». Bien entendu, ces jeux ne seront pas là le jour J, ils ont des remplaçants. Des jeux développés à la va-vite, des adaptations multi-supports, une exclu ou deux servant à justifier un attachement soudain à la dernière bécane turbo puissante. Le challenge pour ces constructeurs tient de la schizophrénie : il s’agit d’asseoir une marque en écoulant un maximum de machines dans un temps limité, et ce, au mépris d’une liste de jeux sexy. L’idée avant tout est de s’installer dans votre salon, on comprend subitement tout l’enthousiasme du tweet victoire du million de consoles vendues par Sony le jour J. Le line-up devient un prétexte pour étaler une présence et un code couleur en boutique, un bol de pistache coupe-faim, en attendant mieux. Des pistaches légèrement rances, on le sait, mais on ne peut s’empêcher d’en piocher une, pourquoi pas deux, en attendant patiemment avec ses petits copains le début des hostilités. Dans le cas de Sony, vous noterez que seul le nombre de consoles vendues a été communiqué. Les jeux ? Quels jeux ? On lâchera un autre tweet en 2015 pour The Last of Us 2.
– C’est cool ton blabla mais y’a quoi dans ces line-up ?
On compte rapidement une petite vingtaine de softs pour chaque console, des jeux multi-supports et des portages de dernière minute pour la grande majorité. On se console comme on peut du report de la seule nouvelle IP excitante (Watch Dogs) avec les adaptations proprettes de FIFA 14, Battlefield 4 et Assassin’s Creed IV. On continue de sécher ses larmes en jetant un œil distrait du côté des exclusivités entre suites sans prises de risque (Killzone Shadow Fall, Dead Rising 3, Forza 5) et coups d’essai qui ont pour seul mérite d’essayer (Knack, Ryse).
Si la Xbox One rassure le fidèle de la marque en remixant des concepts bien connus (Dead Rising 3, Forza 5), ça flanche pas mal côté démat’ avec une liste très succincte. On salue poliment le retour de Killer Instinct en free-to-play et Crimson Dragon, le rejeton tant attendu de la série Panzer Dragoon, mais le vrai blast from the past vient surtout de Zoo Tycoon, peut-être la vraie (seule ?) surprise de ce line-up très austère. Côté contenus exclusifs, les possesseurs de la version Xbox One de Battlefield 4 pourront faire pan pan en premier sur le second pack de maps annoncé. Les grosses sensations attendront mars avec l’arrivée du très attendu Titanfall – la série exclu Xbox One qui ne le restera plus très longtemps. En attendant les prochaines annonces autour de Fable et Halo, encore et encore…
Le line-up de la Playstation 4 peut paraître bien chiche si on ne compte que les jeux boîtes (Killzone Shadow Fall et Knack). C’est sans compter sur la partie dématérialisée du catalogue de lancement et sa tripotée de softs à télécharger moyennant une poignée d’eurodollars. On gonfle artificiellement la liste avec un nouveau concept, les « portages super HD » dont Flow, Flower, Sound Shapes et Escape Plan – déjà présents sur le PSN – sont les (honteux) ambassadeurs. Sony se rattrape avec son offre PS+ qui s’étoffe au catalogue PS4. Les joueurs pourront se procurer gratuitement le prometteur Resogun (exclu PS4) et Contrast (un jeu indé). La bataille du contenu exclusif continue avec la bêta de Destiny, livrée dans un premier temps aux possesseurs de PS4 début 2014. Le début d’année marquera aussi l’arrivée du tout nouveau inFamous : Second Son, au mois de mars, aka le second Noël pour se tirer sur la gueule à coups d’exclus.
– Est-ce que tous les line-up sont nazes alors ?
La philosophie derrière chaque line-up diffère, les enjeux ne sont plus les mêmes entre la Nintendo 64 et la Nintendo 3DS par exemple. Pour Nintendo, les priorités ont changé depuis 2005 avec la sortie du premier modèle de la DS. De consoles ciblées gamer aux contenus très référencés, Nintendo s’est mis à vouloir éduquer le non-joueur en l’attirant à lui avec de nouvelles façons de penser le jeu vidéo. Depuis Wii Sports (et toute la gamme motion qui en découle), le père Mario a été gentiment écarté des fenêtres de lancement pour mettre l’accent sur des concepts attractifs et compréhensibles très rapidement. Ceci explique l’indignation générale des early adopters qui ont connu Super Mario World au lancement de la SNES et Super Mario 64 au lancement de la N64. Les mêmes personnes auxquelles on propose Pilotwings Resort sur 3DS et Nintendo Land au lancement de la Wii U, quelques générations plus tard. Les line-up de Nintendo n’étaient pas folichons pour autant – deux, trois jeux grand max. Le problème naît de ce décalage. Les anciennes consoles se préparaient en attendant le jeu qui justifie sa commercialisation, les nouvelles consoles sortent dans l’urgence, pressées de contrer la concurrence, avec une liste de jeux prématurés. On se souvient tous du line-up de la Nintendo 3DS composé de jeux mal branlés et sans inspiration, du cache-misère de la vidéo présentation qui tentait péniblement de les dissimuler par des titres qui ne sortiront qu’un an, voire deux ans plus tard :
Retour en arrière. Le line-up de la Xbox 360 n’était pas forcément plus sexy, mais il avait son charme, ses audaces. Microsoft avait encore tout à prouver et devait rattraper son retard en se rachetant une réputation (et des exclus d’éditeurs tiers) à tout prix, chose à moitié entamée avec l’arrivée de nouvelles IP comme Kameo ou Condemned. La PS3, elle, n’avait à l’inverse plus rien à prouver et s’appuyait un peu facilement sur les chiffres record de la PS2. Résultat : un tarif d’entrée démesuré et l’un des line-up les plus impersonnels qu’il ait été donné d’apprécier, composé d’une ribambelle de jeux handicapés par des contrôles mal pensés et des textures ignobles (Genji, Resistance, etc.).
Que valent donc les line-up X1/PS4 au final ?
N’ayons pas peur des mots, ces deux line-up (censés supporter l’entrée en matière d’une nouvelle génération de jeux) sont très décevants. L’absence de Watch Dogs résume parfaitement ce constat. La seule IP sexy de Noël qui se casse au dernier moment ? Mmmh, ça ne sent jamais très bon.
Prenons le problème à l’envers. Si ces jeux sortaient sur les machines actuelles, seuls, expulsés d’un quelconque line-up évènement, il y a fort à parier que les joueurs ne chercheraient pas à s’en extasier à tout prix dans le seul but de justifier un investissement clairement onéreux. À force de nous pousser vers la sortie de cette gen, de nous appâter avec des graphismes à peine rehaussés, on en vient à occulter l’évidence : la qualité intrinsèque de ces « nouveaux » jeux, le fait que ces line-up next gen sont d’une tristesse absolue en termes de sensations (malgré ce que Microsoft et Sony essaie de nous mettre dans le crâne). Ce n’est certainement pas les suites gangrénées de contenus exclusifs et/ou de DLC (Forza 5) et encore mois les nouvelles IP bricolées à la va-vite (Knack, Ryse) qui font pencher la balance dans l’autre sens. Pour ma part, je déconseille la baignade. Continuez à patauger dans l’année 2013, je suis sûr que vous n’avez pas exploré tout ce qu’elle avait à vous offrir.
Il est d’autant plus difficile de se détacher d’une génération de machines lorsque celle-ci vous offre encore de belles choses à grignoter. Difficile aussi de conclure cette gen et de remettre les compteurs à zéro sans vraiment sentir la claque d’un nouveau genre qu’on nous promet depuis le mois de juin. La vérité ? Comme à chaque lancement de machines depuis quelques années, personne n’est prêt en coulisses mais tout le monde cherche à vous convaincre de rester assis et de profiter de la première partie, même si vous n’aimez pas ce que vous voyez. Triste constat d’acheter une nouvelle machine parce que le meilleure reste à venir, n’est-ce pas ? Pourquoi alors ne pas attendre que ce meilleur arrive, tout simplement ? Est-ce si grave de patienter, disons… jusqu’en mars et l’arrivée de Infamous : Second Son sur Playstation 4 et Titanfall sur Xbox One ? Ça vous laissera le temps de finir Super Mario 3D World, Tearaway et Risk of Rain. Ou plus fou encore, de lancer au moins une fois chacun de vos jeux Steam achetés en soldes. Nan, j’déconne.
Bisous, et bon achat à tous 🙂
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