S’éveillant à un monde dont il n’arrive pas à cerner la profondeur, Bubsy titube. Il évolue, pataud. L’instinct hérité des jeux de plates-formes le pousse à suivre les sphères qui flottent devant ses yeux. Son strabisme divergeant ne l’aide absolument pas dans sa tâche, mais malgré cela, galvanisé par un sursaut d’orgueil, le félin orange s’obstine et arrive devant le Los Angeles County Museum of Art.
On n’a jamais vu autant d’émotion dans un jeu et ça ne fait que commencer, car quand Bubsy s’engouffre dans le sanctuaire, il n’en croit pas ses yeux : il est bel et bien au seuil d’une rétrospective James Turrell. C’est incroyable tant la reproduction est fidèlement reproduite. Le lynx est émerveillé devant tant d’espace, tant de lumières, tant de reliefs. Il comprend alors la portée symbolique de l’œuvre qu’il contemple alors. Il s’interroge lui-même sur le vide et la matière. Sur ce qui est vrai et sur ce qui ne l’est pas. Sa perception est-elle encore digne de confiance ?
À l’orée de la folie, Bugsy continue son exploration de l’exposition. Chaque mur éclairé, chaque pièce de couleur, semble à la fois faire partie d’un tout et, en même temps, lui permet de mieux comprendre l’essence même de ce qui fait que le monde est monde. La lumière constitue le fondement de l’univers qu’il explore. Les formes droites, répétitives, mais toujours colorées pénètrent l’esprit de Bugsy. Elles défilent. S’enchaînent. S’enchâssent et se succèdent dans un tourbillon effréné. Il sent bien qu’il s’est élevé. Que son esprit ne se trouve plus sur le même plan d’existence que son corps. Il est l’espace. Il est la lumière.
Puis. La prise de conscience qui le taraude. Comment se fait-il qu’il n’ait pas pu se rendre compte de tout cela avant ? Quand il n’était qu’un sprite parmi les sprites, polygone parmi les polygones. La conscience de lui qu’il a durement acquise est également une épée à double tranchant. Il faut qu’il se pardonne. Qu’il puisse oublier la vie qu’il a vécue. Une vie faite d’objectifs, de pelotes, de scores, d’ennemis à écraser. Bugsy le sent, il est au-dessus de tout ça maintenant.
Ô souffrance d’être sage parmi les ignorants ! Comment tout cela a-t-il pu arriver sans que personne réagisse ! Manipulés dans l’ombre par une force invisible et inexorable ! Envole-toi, Bugsy ! Tu sais maintenant ! Tu sais tout ! Tu sais que tu n’as plus rien à faire ici ! ENVOLE-TOI ! FUIS-NOUS ! FUIS TOUT CE QUE TU AS ÉTÉ !
> Henri tient à préciser qu’il aime bien Bugsy, lui.
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