Si vous deviez développer un jeu, un jeu qui cartonne, vers quel genre vous vous tourneriez ? Devant vous se dresseront plusieurs écoles de pensées. Une vous assurera qu’il serait de bon ton de vous démarquer, en développant un truc original, une simulation de taxidermie, par exemple ; une autre prônera qu’il serait plus malin de suivre la tendance, celle de ces dernières années : le MOBA. Si votre titre n’est pas trop mal fichu, et parce que le public intéressé s’accroit un peu plus chaque jour, vous parviendrez sans doute à fédérer quelques milliers de joueurs, et peut-être, soyons fous, à payer une petite partie de votre retraite. Ce dernier choix a d’ailleurs été le choix de nombreux développeurs ces deux ou trois dernières années.
Le MOBA me rappelle pas mal le MMORPG de 2007-2008. Sur ma droite, vous aviez l’ogre World of Warcraft, ses millions d’abonnés, déjà, son image, son contenu, sa communauté. Sur ma gauche, vous aviez une foule d’outsiders aux dents longues. En 2008 par exemple, on avait bien cru qu’un Age of Conan pouvait titiller le maître. On s’était trompé. Quelques mois après, avec le même espoir qu’un autre viendrait bousculer les habitudes du Seigneur, on avait cru en Warhammer Online. On s’était trompé. Même en 2011, alors que WoW accusait le poids des années, l’ambitieux The Old Republic de BioWare, dont le budget a été estimé entre 150 et 200 millions de dollars, n’a pas réussi à détrôner le monstre de Blizzard. Neuf ans après sa sortie, WoW compte encore aujourd’hui plus de 7 millions d’abonnés. On peut même se laisser aller à penser que le monopole de WoW a indirectement accéléré l’émergence de nouveaux modèles économiques, comme le free-to-play.
En 2013, le patron, c’est le MOBA. Et tout en haut de la pyramide du MOBA trônent actuellement deux indétrônables : Dota 2 et League of Legends. Est-ce qu’un troisième MOBA pourrait les déloger de leur piédestal ? On en doute, pour le moment. Non seulement les deux titres proposent un niveau d’excellence qu’il sera dur de dépasser mais ils ont également – surtout ! – développé autour de leur jeu tout un écosystème : des mises à jour de contenu presque hebdomadaires, une vraie communauté de joueurs, une large promotion du sport électronique avec des tournois dotés à plusieurs centaines de milliers de dollars, des streams… Un vrai service après-vente, en somme.
Prenons le cas Dead Island Epidemic. Pour un tel projet, la mission des développeurs est triple. 1) Satisfaire aux exigences des pro-Dota/LoL au niveau de la mécanique de jeu, de l’ergonomie, de la nervosité, de la lisibilité de l’action. 2) Créer un écosystème qui donnera envie aux joueurs de s’investir. 3) Trouver des idées originales pour ne pas être estampillé comme un énième clone de DotA.
Dans ce cas précis, les hommes derrière Dead Island Epidemic ont imaginé deux mécaniques originales. La première, c’est l’absence des « trois chemins » propres à tout DotA-like qui se respecte. Imaginez donc une toute petite carte à peu près ronde. Il s’agit alors de contrôler sur la carte plusieurs points névralgiques pour remplir une jauge de points. Intéressant, sauf que League of Legends a déjà un mode de jeu qui reprend ces principes : le mode Dominion. Seconde idée : mettre aux prises trois équipes de joueurs (de 4, si mes souvenirs sont bons) au lieu de deux. Une bonne idée là aussi, qui dynamise les combats puisque peuvent se créer à tout moment des alliances de circonstances. Pour le reste, c’est du classique.
Si cette première rencontre avec Dead Island Epidemic a été encourageante, elle ne permet pas de savoir si le titre pourra un jour trouver sa place dans le créneau hyperconcurrentiel dont on parle. Dead Island Epidemic est juste le dernier d’une longue lignée de jeux qui tentent par tous les moyens – parfois malins, comme Smite avec sa caméra rapprochée – de croquer une part du gâteau MOBA.
On peut raisonnablement penser que Dota 2 et League of Legends vont phagocyter le marché du MOBA pendant encore quelques années ; ces deux-là foncent sur l’autoroute du succès quand les autres avancent avec labeur sur le chemin de la reconnaissance.
Pour Dead Island Epidemic comme pour les autres, il faudra donc probablement soit patienter quelques années, soit planter rapidement les graines de la prochaine révolution (qui ne se situera pas au niveau du modèle économique, a priori).
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