1. Olivier, tout d’abord merci de nous accorder un peu de ton temps. Pour commencer, peux-tu nous parler de ton cursus, de tes premières expériences professionnelles dans différents studios mais aussi et surtout de ton recrutement chez DreamWorks qui devrait intéresser nos lecteurs ?
Bonjour. Mon parcours n’est pas des plus typiques. J’ai fait un Bac S, puis j’ai fait la premiere annee a l’IUT Services et Reseaux de Communications a Saint Raphael dans le Var. Pendant cette année, j’ai passe le concours de Supinfocom a Valenciennes (Nord). J’ai été accepté au concours et j’ai fait 4 années d’études la bas et reçu mon diplôme de fin d’etude avec mention.
En sortant de Supinfocom, j’ai été embauché par la compagnie Buf Cie à Paris et j’ai travaillé sur un clip de Madonna pendant 1 mois. Pendant ce projet, j’ai réalisé que ce que j’aimais le plus c’était l’animation cartoon, et que je voudrais travailler aux USA. J’ai aussi réalisé que pour y arriver je devais ameliorer mon niveau en animation. Apres réflexion j’ai donc décidé de quitter Buf Cie et de me mettre à m’entraîner pour le concours des Gobelins pour la 3eme année. Mon but n’était pas de faire a nouveau tout le cursus complet de l’école, mais plutôt d’essayer d’obtenir un boost de niveau en animation. Je savais aussi que le concours des Gobelins n’était pas facile du tout et que même avec cet apprentissage supplémentaire ce n’étais pas gagné de pouvoir aller aux USA, mais j’ai voulu tenter ma chance.
Et ça a payé !
J’ai été accepté aux Gobelins en 3ème année. J’ai pu apprendre beaucoup de choses en animation grâce aux professeurs et aux élèves. J’ai aussi eu l’opportunité de faire un court-métrage pour le Festival d’Annecy, avec 4 autres amis des Gobelins. Le film s’appelle “Le Building“.
Le jour du jury de fin d’année, je me rappelle, j’etais stressé car je savais que beaucoup de professionnels de l’industrie serait la, y compris Dreamworks Animation.
J’étais dans le couloir en attendant l’annonce de mes resultats et je vois Shelley Page, la représentante Européenne de Dreamworks Animation. Elle marche vers moi et me donne sa carte de visite et me dis qu’elle m’appellera demain. J’etais surpris et heureux à la fois, mais je ne savais pas trop ce qu’il se passait. On rentre ensuite dans la salle pour recevoir nos notes de fin d’année ainsi que les commentaires des professionnels sur notre travail, et j’apprends que je suis major de la promotion. D’un seul coup je comprends pourquoi Shelley Page m’a donne sa carte et je commence a espérer très fort qu’il y aura une suite.
Le lendemain matin, elle m’appelle et me donne un rendez-vous dans un restaurant parisien. Quand je la rejoins, on discute un peu et elle me dis que le studio aimerait m’embaucher.
Ce moment était pour moi incroyable Mon reve se realisait.
J’ai bien sur accepté et on a commencé a travailler sur mon visa. Le visa a pris très longtemps et fut une étape longue et compliquée qui a pris près 11 mois. Je suis sorti des Gobelins fin Juin 2005, et j’ai commencé à Dreamworks debut Juin 2006.
Mon arrivée à Dreamworks s’est très bien passée ainsi que mon intégration dans la vie américaine. J’ai démarré mon travail sur Kung Fu Panda en tant qu’animateur.
Apres Kung Fu Panda, le studio m’a donné la chance de travailler en developpement sur le film How To Train Your Dragon. J’ai aidé à developper le systeme de battement d’ailes des dragons, et j’ai aussi developpé le dragon Deadly Nadder et j’etais le lead animateur sur ce personnage sur le film.
Après Dragons, le studio m’a promu Supervising Animateur sur le film Puss In Boots, et on m’a donné la tache de superviser le personnage principal, le chat avec la voix d’Antonio Banderas.
Là je viens juste de terminer Puss In Boots la semaine derniere. Le film sort bientôt et j’espère qu’il plaira au public.
Je suis aussi tres content car le studio vient de me promouvoir Head Of Character Animation pour le film Penguins, qui est un long métrage dedié aux Penguins de Madagascar.
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2. Quels ont été les changements majeurs concernant les méthodes de travail, l’organisation en équipe de projet, l’apprentissage de nouveaux outils…etc. ?
Beaucoup de choses sont très différentes à Dreamworks, même si au fond, le type de travail reste le même.
Tout d’abord on travaille sur des logiciels propriétaires. Ce sont des logiciels développés en interne, pas des logiciels commerciaux. On a donc une periode de training nécessaire pour apprendre les logiciels quand on arrive ici.
Le studio nous aide bien à ce que cette transition soit facile pour nous.
Ensuite, ici le travail est très spécifique. Quand tu es animateur tu ne fais que de l’animation. En France ou dans d’autres studios je sais qu’il est fréquent qu’un animateur fasse un peu de rigging (setup) ou de skinning, ou bien meme qu’il modélise ou autre. A Dreamworks, tout le monde est spécialisé dans une tâche très spécifique, dans laquelle ils excellent et produisent donc de bien meilleurs resultâts que quelqu’un d’autre qui essaierait de le faire à leur place.
Autre chose de très différent est la vitesse de production que le studio demande des animateurs. On nous demande de fournir 5 feet (pieds) d’animation par semaine. Un foot (pied) represente 16 images, donc 5 pieds est 80 images, donc si tu divises ça par 24 images pour faire une seconde de film (cadence du film au cinema), tu obtiens 3.3 secondes. Donc c’est ce qu’il faut que chaque animateur essaye de fournir en moyenne par semaine. C’est un chiffre qui est assez confortable pour faire de la bonne animation et avoir le temps de bien finir ses plans.
Les autres différences viennent du simple fait qu’il s’agit d’un travail sur du long-métrage, et les projets sont donc très longs. On travaille en animation sur un film pendant 12 à 18 mois selon les projets.
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3. Comment est la vie au sein de DreamWorks Animation ? Comment se passe une journée type dans la peau d’Olivier Staphylas ?
La vie a Dreamworks Animation est excellente. Le studio nous traite très bien. Independamment de ça, la vie professionnelle aux USA est un peu plus chargée qu’en France. Ici la semaine de travail est à 50 heures par semaine, et lorsqu’on est en retard pendant les derniers mois d’un film cela peut monter à 60 ou 70 heures facilement.
Dans mon cas, sur Puss In Boots, en tant que superviseur du personnage principal j’avais pas mal de travail alors mes journées étaient très chargées.
J’arrive au travail le matin a 8h. Je vais à la cantine du studio et prend un café et une pâtisserie (le petit déjeuner est servi au studio tous les matins entre 7h30 et 9h, c’est gratuit et très bon, avec un choix de céréales, pâtisseries, donuts, ou oeufs brouillés), et je vais dans mon bureau. Je regarde mes emails et je commence à travailler. A 9h30 je vais en dailies pour voir le travail que les animateurs que je supervise presentent au réalisateur.
Les dailies durent entre 30 min et 1 heure selon le nombre de personnes qui montrent des plans. Après les dailies, je fais mes rounds, pendant 1h ou 1h30. Les rounds sont des “rondes” ou je vais voir les animateurs à leur bureau et regarde et commente sur leur travail en cours.
Après ça c’est souvent l’heure de dejeuner donc on va à la cantine qui est sur le campus.
Apres le repas, j’ai souvent 1 a 2 heures de travail possible sur mes propres plans.
A 15h je vais faire mes rounds de l’après-midi pour 1h30.
Après ça je vais en dailies de l’après-midi pour 1h.
Il est déjà 5h30 quand on finit les dailies.
Et la je peux me remettre à mon travail.
Je pars vers 19h ou 20h le soir.
4. Quelque chose t’a-t-il marqué en arrivant chez Dreamworks (le lieu, l’accueil, les personnes…etc.) ? Peux-tu nous citer un de tes meilleurs souvenir au studio ?
Tout a été très agréable a mon arrivée à Dreamworks. Passer sous le grand portail d’entrée du studio avec le grand logo Dreamworks au dessus est déjà un moment intense et magique. Ensuite recevoir son badge avec nom et photo, ou voir son nom devant le bureau, font partie d’autres moments dont je me rappelle tres clairement.
L’accueil était genial. Les gens ravis de me rencontrer et travailler avec moi. Tout le monde était tellement chaleureux et serviable, c’était très agréable et impressionnant.
Mon premier plan approuvé en dailies était un moment marquant, c’était avec Shifu, dans Kung Fu Panda.
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5. L’adaptation aux États-Unis à-t-elle été difficile durant les premières semaines (rythme de vie, accueil, logement…etc.) ?
Non pas vraiment. Bien sur il y a beaucoup de choses à faire en arrivant, mais le studio m’a beaucoup aidé. Ils m’ont installés dans un appartement temporaire pour que j’ai le temps de trouver mon propre appartement. Ils m’ont aidé à ouvrir mon compte bancaire américain afin de pouvoir être payé rapidement. En fait, le studio fait tout ce qu’il peut pour te faciliter la vie afin que tu puisses te concentrer sur faire ton travail.
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6. En dehors du travail, que fais-tu pour te détendre, quels sont tes loisirs (sports, lectures, jeux vidéo, musiques, cinéma…etc.) ?
Je fais beaucoup de photographie. Ca me relaxe et c’est aussi une très bonne balance artistique avec l’animation je trouve. L’animation est très longue et fastidieuse, donc je prends beaucoup de plaisir à avoir une gratification instantannée (ou presque) avec la photographie. Je vais aussi au cinema, fais de la natation, lis des digital magazines sur l’ipad et écoute de la musique.
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7. Aurais-tu quelques conseils à donner aux jeunes infographistes qui rêveraient de partir s’installer aux États-Unis et de travailler pour un studio comme Dreamworks ? Qu’il s’agisse de conseils sur le travail, la vie aux USA, l’organisation, les choses à prévoir avant un départ auxquelles l’excitation du départ nous empêche de penser ?
Je pense que l’attention doit être placée sur le travail et être le meilleur possible à ce que tu fais. Il ne faut jamais se relacher et croire qu’on est le meilleur et qu’on est suffisament bon. Il faut toujours se remettre en question et repousser ses limites. Mais il faut aussi faire ça sans etre méchant. Il s’agit en fait d’une competition avec soi même, et même si on se compare forcement aux autres, il ne faut que ca devienne malsain. Je pense que c’est le genre de mentalité qu’il faut avoir pour réussir dans cette industrie. En ce qui concerne les USA, ici les studios cherchent des personnes qui sont très compétentes dans 1 domaine, et pas trop des gens qui sont bons dans plein de choses mais excellents nulle part. Avoir un bon niveau en anglais est évidemment une nécessite pour bosser à l’étranger, que ca soit en Angleterre, Nouvelle Zelande ou USA. Il n’est pas nécessaire d’avoir un niveau excellent en anglais, mais il faut pouvoir comprendre les directions du réalisateur et communiquer avec tes coequipiers. C’est aussi nécessaire afin de comprendre ce que le dialogue signifie.
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8. As-tu des références, des modèles et/ou des inspirations que tu souhaiterais partager avec les plus jeunes qui aimeraient suivre cette voie (films, livres, personnes) ?
Je pense que tout autour de nous sert d’inspiration. Evidemment, si travailler dans l’animation est un objectif, je pense qu’il est important de voir beaucoup de films d’animation. Il faut les regarder avec un oeil critique et comprendre pourquoi une animation marche ou ne marche pas, comment tu pourrais faire cette animation et comment tu approcherais ce type de plan, pratiquer a la maison et essayer de prendre des lignes de dialogue de films et un personnage divers et essayer d’animer sur cette ligne de dialogue.
Connaitre aussi les grands noms de cette industrie (James Baxter, Kristof Serrand, Glen Keane, Simon Otto, Dan Wagner etc) et voir leur travail, qu’est ce qu’ils ont fait dans leur carriere.
Lire des livres sur l’animation pour apprendre des principes est une très bonne chose, mais il faut appliquer tout ca. Connaitre la théorie ne va te rendre bon animateur, il faut savoir comment appliquer ta théorie dans tes animations et trouver tes propres solutions ou methodes.
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9. Quels sont tes prochains projets ?
Je démarre mon nouveau film “Penguins”, qui est un long metrage avec pour héros les penguins du film “Madagascar”.
Je suis Head of Character Animation sur ce projet et c’est mon debut dans cette nouvelle position, donc il va y avoir beaucoup de choses à apprendre et decouvrir, et je trouve ça très excitant ! 🙂
Encore merci Olivier d’avoir partagé avec nous ton expérience et de nous avoir transmis tes conseils avisés. Pour ma part, je n’oublierais pas d’aller faire un tour dans les salles obscures le 30 Novembre pour “Puss In Boots” (Le Chat Potté).
MAJ : Dans mon empressement, j’ai oublié de partager avec vous les premiers projets d’Olivier Staphylas. Voici donc un court-métrage de fin d’étude et son dernier Animation Reel.
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Hell Yeah !
Dément cet interview !
Effectivement !
Ca fait aussi plaisir de savoir que des frenchies participent à des projets aussi ambitieux et généralement réussis.
Good job.
Cool l’interview. Cool l’IUT SRC, n’est-ce pas ? ^^
Bravo Olivier, tu as bien réussi ! Dire qu’on a fait nos études primaires ensemble !
Je suis contente pour toi !
Tu as tellement de chance, moi aussi je rêve de travailler pour dreamwork le dessin est un dont que j ai ressu et que je pratique depuis mon plus jeune âge, deplus merci pour tes precieux conseils, c’était une super interview!!