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[Cinéma] À l’occasion de son remaster 4K, cinq raisons de revoir le chef d’oeuvre Memories of Murder

Le réalisateur Bong Joon-Ho a fait parler de lui avec la sortie de son film Okja (notre critique) en 2017. Les spectateurs ont aujourd’hui l’occasion de redécouvrir un de ses plus grands films, ressorti pour l’occasion en 4K au cinéma et en Blu-Ray.

Article originellement publié le 3 juillet 2017. Mise à jour le 13 juillet 2018

Pour son 15e anniversaire, le film fait l’objet d’un remaster 4K et d’une sortie en DVD et Blu Ray. Sans effacer le grain de l’époque, cette version propose une image nettement plus fine tout en respectant les couleurs ternes du film. Il est disponible en trois versions.

  • Un digipack contenant le film et les compléments
  • Un Mediabook contenant le Blu-Ray 4K, 2 DVD de compléments ainsi qu’un livret de 40 pages sur l’histoire du tournage.

  • Un Coffret Collector contenant l’intégralité du Mediabook, mais aussi la reproduction du storyboard intégral de 366 pages traduit en français

Réédition attendue oblige, les compléments sont nombreux. Les amateurs découvriront en exclusivité “Memories, retour sur les lieux des crimes”, un documentaire de 63 min qui mélange des extraits du film et témoignages de ceux qui y ont participé et qui permet d’apprendre quelques informations sur l’enquête.

On apprécie aussi Bong Sound (14 min) qui détaille avec le travail sur le son avec l’ingénieur du son de l’époque. Les DVD contiennent certains anciens bonus, mais aussi sept courtes scènes coupées avec ou sans le commentaire de Bong Joon-Ho. Vous l’aurez compris, il s’agit là d’un cadeau de choix pour tout cinéphile qui se respecte.

I) Parce qu’il réinvente le polar

Sorti en 2004, Memories of Murder débarque dans une période assez faste pour le polar et le thriller, qui connait un regain d’énergie. Des films comme Mystic River, Mulholland Drive ou encore Amnesia sont appréciés par la critique et les spectateurs et témoignent de la bonne santé du genre.

Une partie des cinéphiles français ont également l’occasion de découvrir de très bons films venus de Corée du Sud, et se rendent compte qu’il s’agit d’une véritable terre de cinéma. Le plus emblématique restera probablement Old Boy, qui aura marqué toute une génération par sa violence et son twist final infernal. Mais les spectateurs curieux découvrent également d’autres œuvres de qualité comme Joint Security Area, Locataires, Sympathy for Mr Vengeance ou encore Ivre de femmes et de peinture. Autant de films à la fois originaux et accessibles, qui vont changer le regard de l’Europe sur la production du pays du Matin calme.

Au milieu de toutes ses sorties, Memories of Murder intrigue les amateurs de thriller, qui perçoient déjà dans Bonh Joon-Ho le Fincher coréen. Ce dernier réalisera d’ailleurs Zodiac quelques années plus tard, et beaucoup y verront une version américaine du film. Les deux œuvres narrent effectivement la traque acharnée d’un serial killer extrêmement intelligent.

Le film sort clairement des sentiers battus, et présente une enquête réaliste et beaucoup trop ambitieuse pour les enquêteurs concernés. Le fait que ces derniers ne soient pas mis en scène comme des « superflics » et utilisent des méthodes d’interrogatoire clairement abusives est inédit au cinéma. Il ne s’agit pas d’antihéros, mais juste d’hommes qui font face à un criminel hors-normes, qui déjoue sans cesse le dispositif policier.

Malgré les meurtres macabres et l’atmosphère lourde, Joon-Ho utilise leur balourdise et leur humanité comme une soupape psychologique. On s’étonne donc de rire de scènes pourtant sérieuses. Le réalisateur arrive ainsi à tenir plus de deux heures grâce à cet étonnant mélange d’émotion, sans jamais que son film ne tombe dans la farce. La tension ne cesse pourtant de monter alors que l’étau se resserre autour du tueur, et que Joon-Ho conclue de manière magistrale… en donnant tout son sens au titre de l’œuvre.

II) Pour découvrir une autre Corée

Véritable paradis technologique, d’où nous proviennent beaucoup des innovations téléphoniques actuelles, la Corée du Sud jouit d’une bonne réputation à l’étranger. Décrit comme le fer-de-lance des quatre dragons d’Asie, le pays a connu une forte croissance industrielle à partir de la deuxième moitié du XXe siècle. L’indice de développement humain est d’ailleurs particulièrement élevé.

Pourtant, le pays connait encore des disparités accentuées dans les zones rurales. Via cette série de meurtres inspirée d’un véritable fait divers qui s’est déroulé de 1986 à 1991, Memories of Murder s’intéresse à la Corée des campagnes, qui n’a rien à voir avec Séoul, Busan ou Incheon. Elle permet de jeter un œil sur des populations plus pauvres, et de découvrir des personnes qui vivent encore dans une relative précarité à cette époque. Une force vive composée de travailleurs d’usines ou d’agriculteurs que l’on voit rarement dans le cinéma coréen qui parvient en Europe. On y voit aussi des laissés pour compte, comme le témoin handicapé.

C’est grâce à ces grands espaces, principalement composés de champs, que le tueur sera aussi prolifique. Les enquêteurs ont d’ailleurs une grande difficulté à comprendre qu’un serial killer habite chez eux, et pas dans les grandes villes. Le film dénonce aussi les méthodes expéditives de la police dans ces endroits, où les garants de l’ordre n’hésitent pas à malmener très violemment quelqu’un qui parait suspect. Des techniques qui rappellent le régime très autoritaire qui fut maintenu en place jusque dans les années 80, et dont le fantôme plane encore dans les zones agricoles.

[nextpage title=”… D’un grand film sud-coréen”]

III) Pour apprendre à connaitre Bong Joon-Oh

Memories of Murder est le premier grand succès d’un réalisateur à la filmographie passionnante. Le mélange des genres opéré dans ce dernier se retrouve d’ailleurs dans ses autres œuvres.

On citera notamment le récent Okja (notre critique), une fable écologiste enjouée qui se veut tout de même beaucoup plus familiale. Les amateurs d’action intelligente se tourneront plus vers Snowpiercer, l’adaptation de la superbe bande dessinée de Jacques Lob et Jean-Marc Roquette.

Il serait néanmoins dommage de passer à côté de sa production purement coréenne. On vous conseille donc The Host, un film de monstre en premier lieu assez basique, qui se révèle en fait être une habile critique de la Corée du Sud et de l’impérialisme américain.

Enfin, Mother cristallise tout le talent de son auteur, qui livre un film bouleversant, entre chronique sociale et thriller policier. On vous conseille donc vivement d’ouvrir la porte de ce monde bien loin des canons hollywoodiens.

IV) Pour son acteur principal épatant

Memories of Murder est aussi une formidable réunion d’acteur, que Bong Joon-Ho réutilise d’ailleurs souvent dans ses longs-métrages. On pense bien sur Song Kang-Ho et sa bonhomie communicative, qui transparait tout le long du film.

L’acteur livre une prestation impeccable et joue pour beaucoup sur le mélange des genres évoqué auparavant. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’il apparait au casting des meilleurs réalisateurs coréens actuels, Park Chan-Wook et Kim Jee-Woon en tête. Il entretient une relation forte avec Bong Joon-Ho, puisqu’il a été dirigé par ce dernier dans Snowpiercer et The Host. Il est néanmoins bien épaulé par Kim Sang-Kyung, efficace en homme de raison et Hyun-Kyu Park, inquiétant de bout en bout.

V) Parce qu’il a fait l’objet d’une restauration 4K

Dès le 5 juillet prochain, le film sera rediffusé dans quelques salles de cinéma en définition 4K. Il permettra ainsi de (re)découvrir ce film dans les meilleures conditions possibles, quinze ans après sa sortie.

Un travail qui devrait permettre de mieux profiter de l’œuvre, d’autant plus qu’elle s’y prête particulièrement. Premièrement, car une bonne partie des gens l’ont vu en qualité DVD (voire Divx) à l’époque, mais aussi parce que Bong Joon Ho filme avant tout la campagne. En effet, une grande partie des plans sont larges et nous font profiter de la ruralité que nous avons précédemment évoquée. Les couleurs plus vives redonnent vie à certaines scènes.

Paradoxalement, le réalisateur aime aussi les très gros plans, notamment sur les visages des suspects et plus précisément leur regard. Cette nouvelle définition permet donc une meilleure appréciation de ces séquences, et sublime le magnifique plan de clôture du film.

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