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Des astronomes découvrent un énorme déséquilibre énergétique sur Saturne

Ce phénomène pourtant assez prévisible n’avait jamais été documenté jusqu’à présent. Mais il pourra désormais aider les chercheurs à mieux comprendre la dynamique des géantes gazeuses, et notamment les immenses tempêtes qui font rage dans leurs atmosphères.

Saturne est sans conteste l’un des objets les plus fascinants du système solaire, non seulement à cause de son apparence majestueuse, mais aussi à cause des nombreuses énigmes qui l’entourent, comme l’étrange tempête hexagonale de son pôle nord, les pluies de composés carbonés qui tombent dans son atmosphère depuis les anneaux ou encore les curieux points chauds détectés dans son atmosphère, pour ne citer que les plus connues.

Et cette liste de mystères scientifiques vient encore de s’allonger. Des chercheurs américains ont récemment mis en évidence un énorme déséquilibre énergétique qui montre qu’il nous reste beaucoup de choses à apprendre sur la dynamique des géantes gazeuses, et sur la vie des planètes en général.

Un déséquilibre énergétique énorme

Chaque planète du système solaire est constamment inondée d’énergie par le Soleil. Lorsque ces flux de radiations atteignent les différents corps célestes, ils sont en partie absorbés sous forme d’énergie thermique, qui vient s’ajouter à la propre production de chaleur de la planète en elle-même dans certains cas. En parallèle, les corps célestes perdent aussi une partie de cette énergie en émettant leurs propres radiations thermiques.

Selon les lois de la physique qui décrivent l’équilibre des systèmes, ce budget énergétique devrait être presque parfaitement équilibré ; en d’autres termes, Saturne et ses cousines devraient perdre à peu près autant d’énergie qu’elles n’en produisent et en reçoivent de la part de sources externes comme le Soleil.

Mais curieusement, ce n’est pas ce qu’a observé Xinyue Wang, doctorant à l’Université d’Houston et auteur d’une étude récente sur ce sujet. En se penchant sur les données de Cassini, l’illustre sonde de la NASA qui explorait Saturne et ses lunes entre 2004 et 2017 avant de plonger dans les entrailles de la géante gazeuse, son équipe a mis le doigt sur une incohérence flagrante. Non seulement l’absorption et l’émission d’énergie ne sont pas toujours équilibrées, mais l’écart entre les deux peut même atteindre 16 %, ce qui est absolument énorme dans ce contexte.

Saturn Imbalance Cassini
© Cassini / NASA / JPL

Une question d’orbite

L’équipe n’a pas mis bien longtemps à trouver l’origine de ce déséquilibre : il est fortement corrélé à la position de Saturne dans l’espace. En effet, les orbites des planètes ne sont jamais parfaitement circulaires. Elles sont toujours plus ou moins elliptiques (ou, plus précisément, excentriques). Cela implique qu’elles s’approchent et s’éloignent de leur corps parent (le Soleil) au cours du temps, et par extension, qu’elles reçoivent une quantité d’énergie variable de la part de l’étoile.

Or, l’orbite de Saturne affiche une excentricité relativement importante. Ramené à l’échelle, l’écart entre le point le plus proche (périhélie) et le plus éloigné (aphélie) de l’orbite est presque cinq fois plus important que dans le cas de la Terre. Selon Wang et son équipe, cela explique très bien l’ampleur du déséquilibre thermique constaté dans les données de Cassini.

Cette hypothèse semble tout à fait cohérente… et même assez évidente avec le recul, ce qui pose une autre question : comment se fait-il que personne n’ait anticipé ou constaté ce phénomène jusqu’à présent ? Pour les auteurs, la réponse réside dans la structure de Saturne.

En effet, ses entrailles cachent plusieurs mécanismes qui participent aussi à l’augmentation de la température, en plus de l’apport du Soleil. Comme toutes les géantes gazeuses, elle se contracte lentement et se stratifie progressivement sous l’effet de la gravitation, ce qui a pour effet de produire de la chaleur. Mais Saturne héberge aussi des mécanismes uniques à notre connaissance. Par exemple, des pluies d’hélium se forment dans les couches externes de l’atmosphère avant de tomber vers le cœur, relâchant ainsi leur énergie potentielle sous forme de chaleur.

Mais il est très difficile de mesurer précisément l’influence de ces paramètres, notamment à cause des anneaux qui ont tendance à boucher la vue aux instruments. De plus, ces structures bloquent aussi une partie de l’énergie provenant du Soleil. Autant d’éléments qui compliquent encore davantage l’équation, et qui pourraient expliquer pourquoi ce phénomène est passé inaperçu aussi longtemps.

La source des tempêtes de Saturne ?

Mais quoi qu’il en soit, il s’agit d’une trouvaille assez prometteuse. En effet, les chercheurs estiment que ce déséquilibre saisonnier pourrait directement contribuer aux tempêtes qui brassent l’atmosphère de Saturne. Elles ne sont certes pas aussi visibles que sur Jupiter puisque sa couleur est beaucoup plus uniforme, mais elles sont tout de même absolument immenses par rapport à celles que l’on connaît sur Terre. Les astronomes estiment que ces tempêtes jouent un rôle très important dans la chimie de la planète.

Saturn Hexagon
L’immense vortex polaire de Saturne, ici capturé en fausses couleurs par Cassini. © NASA/JPL-Caltech/SSI

Le fait d’avoir une nouvelle piste pour expliquer leur intensité pourrait donc aider les chercheurs à mieux comprendre le cycle de vie de Saturne… et même des autres géantes gazeuses, puisqu’il ne s’agit probablement pas d’un phénomène isolé. Il sera notamment intéressant de voir si les orbites assez excentriques d’Uranus ou Jupiter présentent aussi ces déséquilibres énergétiques, et le cas échéant, de déterminer comment ce mécanisme influe sur l’évolution globale du système solaire.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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